Pour Ali, administrateur venu du Nord, «le travail au Sud est source de stress constant, impliquant des maladies qui ne sont pas reconnues par les services sanitaires». Evoquant des problèmes psychologiques et psychiatriques tus ou sous-déclarés, Mohamed, contremaître dans un atelier de mécanique, estime qu'«il est important pour ceux qui traitent en ce moment le dossier de notre retraite proportionnelle sachent que la plupart de nos collègues partis à l'âge légal de la retraite n'ont jamais pu en profiter, ils disparaissent dans les années, voire les mois qui suivent». Selon notre interlocuteur, les statistiques existent et les services de la CNR de Ouargla, notamment, peuvent en témoigner. Appréhensions Ceux concernés par les formules existantes de la retraite anticipée appréhendaient ce nouveau projet de loi recadrant ces formules, et ne souhaitent pas qu'elles soient touchées. Pour eux, «s'ils ont autant cotisé c'est pour pouvoir avoir ce choix de partir en retraite au cas où les conditions sociales ou professionnelles ne s'y prêteront plus pour se lancer vers de nouveaux horizons tout en s'assurant d'avoir leur retraite qui leur permettra de continuer à vivre décemment». Cette optique offrait aussi aux entreprises du secteur pétrolier l'occasion de ne plus tirer comme un boulet sur les travailleurs démotivés et plus ou moins en âge de la retraite souhaitant regagner leur foyer après plus de 32 ans de service. Yasmine, cadre en fonction depuis sa sortie de l'université est perplexe : «Je suis fatiguée après tant d'années de travail au Sud et j'avais calculé mon départ juste après mes 45 ans.» Amère, elle pense que «l'Etat ma trompée, je me suis lancée avec une vision et tout près de mes 45 ans je me retrouve incroyablement offensée à l'idée de ne pas être libre de prendre ma retraite comme la loi le stipulait à l'entame de ma carrière». Pour Youssef, «l'essentiel dans cette histoire est que nous aimerions voir cette belle option que nous offre notre marché de l'emploi ne pas s'envoler, quand bien même beaucoup voudront continuer à travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite». Il estime que «ceux qui négocient pour les travailleurs du Sud ne se sont pas confrontés à la vie dans ces conditions extrêmes et au travail pénible et toute une vie sur un chantier de forage». Démoralisation Des conditions pénibles, déménagement de tonnes d'acier tous les trois mois, des heures à souder des pipes ligne à plus de 43°C, voir mourir ses collègues devant ses yeux suite à une chute de 50 mètres, ou tout simplement de soif à cause d'un égarement dans le désert faute de ne pas pouvoir regagner leur poste de travail après un changement de localité. Les arguments sont forts et il est difficile pour certains foreurs de se remémorer leurs amis tombés dans des bacs de pétrole brut, noyés dans des bâches à eau en cherchant un peu de fraîcheur, ou renversés lors d'un accident de la route en essayant de rejoindre leur poste. Des métiers très dangereux démoralisants les travailleurs les plus coriaces à force de cohabiter au quotidien avec les risques imposants de leur métier pour contribuer au développement des réserves naturelles de l'or noir du pays source primaire de l'épanouissement de l'économie de l'Algérie. Un mouvement de protestation se tient actuellement dans les différentes bases de vie du Sud pour mobiliser les travailleurs contre ce projet de loi.