A l'hostilité ambiante, Amirouche Malek oppose l'énergie. A l'adversité, il répond par la motivation. Sa détermination est singulière, tant l'organisation de rencontres de réflexion est pour lui d'abord un acte militant. Sac en bandoulière, hiver comme été, il est toujours partant pour aller à la rencontre de ses invités, des sponsors, ou pour arracher une salle ou obtenir une autorisation. Si Tizi Ouzou est connue pour être un bouillon de culture, c'est surtout grâce à la ténacité d'animateurs comme Amirouche. La moitié de ses 45 ans, il les a passés à se battre pour faire vivre la culture. Il se rappelle: «Je voudrais souligner le geste qu'avait fait ma défunte mère un certain 3 avril 1989, elle m'avait remis 600 dinars pour aller participer à une émission de Bélaïd Tagrawla et Sidi Ali Naït Kaci de la Radio Chaîne 2. Avec le recul, je trouve que le geste de ma mère a donné un tournant à ma vie. C'est comme cela que je me suis retrouvé plus tard à travailler à la Radio et m'engouffrer dans le monde de la culture.» Aujourd'hui, Amirouche a pris une grande dimension dans l'espace social et culturel. Il est l'organisateur du café littéraire et philosophique de Tizi Ouzou et de Larbaâ Nath Irathen, gérant de l'EMEV, entreprise d'organisation des événements culturels, économiques et scientifiques, attaché de presse du groupe Abranis, fondateur du Festival Montagne-art, initiateur du Printemps du livre Nath Irathen et président de l'Apamm, Association des parents et amis des malades mentaux Yasmine de Tizi Ouzou. Quand Amirouche parle, les souvenirs s'enchaînent. «Le Festival Raconte-arts a été une école pour moi. Il a forgé ma vision des choses, stimulé mon approche de la vie culturelle, m'a appris comment appréhender le monde de la politique, sans toutefois m'y impliquer. Le café littéraire est un rêve motivé par mon côté militant de la culture et des débats, inspiré par ceux de Béjaïa et d'Alger organisés par Sid Ali Sakhri. J'ai pensé à mon projet sans soutien et j'ai traversé de durs moments de solitude, presque d'opposition. Des éditeurs ignoraient mes sollicitations. C'était démotivant, mais derrière le travail accompli, il y a de l'engagement et de la persévérance. Par la suite, le soutien des universitaires, des anonymes et des sponsors a été déterminant». Le café littéraire et philosophique a gagné en grandeur au fil des années. Cet espace de débats et de réflexion traite de toutes les thématiques, de la promotion du livre, du monde des arts. Pour Amirouche, il permet aux gens de différents niveaux d'instruction de se comprendre et d'apprendre à s'écouter. Et, la quête d'innovation est permanente chez lui. Cet espace qui dure depuis six ans a réussi à fidéliser le public, à créer des Amis du café littéraire. Mais Amirouche ne cache pas son dépit et sa gêne devant certains obstacles. "Je ne sais pas quoi dire de la direction de la maison de la culture Mouloud Mammeri. On m'a soutenu pendant six ans en m'affectant une salle et en prenant en charge les invités. Et puis, d'un coup on me demande de quitter les lieux car je ne disposais pas d'agrément. Je l'ai demandé au ministère de la Culture le 15 janvier 2014. Cela fait près de trois ans que je l'attends !». Le café littéraire quitte alors la Maison de la culture et s'installe dans le siège des anciens scouts de la ville de Tizi Ouzou et organise aussi ses rencontres à Laârba Nath Irathen depuis 2014. Dans cette ville aussi, la daïra refuse de délivrer l'autorisation à une rencontre avec l'universitaire Hacène Hirèche le 12 mars 2016. «Je ne comprends pas. Mes invités viennent sans hésitation. Je porte un projet d'utilité publique. L'administration ferme les portes du savoir que j'essaie d'ouvrir. J'ai organisé plusieurs éditions du Printemps du livre, le Festival du Montagne-art, on a débattu du développement durable, de l'environnement, de l'économie et de la culture. Je travaille pour la région, d'autres projets sont en préparation, mais j'ai besoin de soutien». Les 25 et 26 novembre prochains se tiendra à Laârba Nath Irathen le Festival Montagne-art, dans sa deuxième édition. Outre une journée d'études sur «La montagne au cœur de l'économie», des randonnées pédestres et le ramassage d'ordures sont prévus au programme. De par son côté débonnaire et altruiste, Amirouche Malek donne une double leçon : promouvoir la culture ne demande ni de gros diplômes ni énormément d'argent. Juste beaucoup d'engagement.