En dépit d'un redressement des cours du pétrole, l'année 2016 a vu les indicateurs économiques et financiers du pays s'enfoncer dans le rouge avec un creusement des déficits et un amenuisement des ressources en devises et en monnaie nationale du pays. Acculé, le gouvernement a tenté tant bien que mal de trouver des solutions. Il a demandé aux contribuables de payer plus d'impôts, aux ménages de se serrer la ceinture et aux consommateurs d'acheter plus cher leurs produits de consommation. Le gouvernement a aussi sommé les collectivités locales de se prendre en charge, aux entreprises de développer le produit national, aux travailleurs de travailler plus longtemps, et au simple citoyen de mettre la main à la poche. En contrepartie, on continue à livrer des logements, on a théoriquement mis fin aux bidonvilles, on a assuré l'approvisionnement en produits de première nécessité et on a continué à verser les salaires. Les membres du gouvernement ont même consenti à reverser 10% de leur salaire au Trésor public. La crise a bien été présente, même si elle n'a pas été sévèrement ressentie par tout le monde. Au final, un nouveau modèle économique, un appel à la solidarité nationale et le retour à l'endettement externe auront été les trois des mesures phares de l'année écoulée. La crise devait ainsi servir à remettre l'économie algérienne sur les rails en se fondant sur un nouveau modèle de croissance affranchie des hydrocarbures et dont la portée s'étendrait à l'horizon 2030. Mais un modèle encore flou. Beaucoup d'experts qui se sont penchés dessus ont noté l'absence d'objectifs chiffrés. D'autres ont estimé qu'il visait principalement à supprimer les subventions, s'inquiétant de son coût social. Une réalité des prix vers laquelle le gouvernement compte aller progressivement, même s'il est parfois dépassé par le marché. Les tensions sur le lait en sachet qui ont vu le prix de ce dernier augmenter bien qu'étant administré en dit long sur la capacité des pouvoirs publics à avoir une emprise sur le marché. Sa capacité à lever les subventions est quant à elle intacte et constitue l'un des objectifs principaux du nouveau modèle économique. Une manière comme une autre de faire face à la crise. Tout au long de l'année le gouvernement s'est pourtant voulu rassurant, bien que ses membres ont, à maintes reprises, fait preuve de désaccord. Le Premier ministre a tout de même assuré que les performances de l'économie et ses capacités à «améliorer la croissance demeuraient réelles, malgré la violence et les impacts du choc pétrolier». Cela, à condition de modifier en profondeur la manière dont l'économie algérienne est conçue, à savoir fondée entièrement sur les ressources tirées des hydrocarbures. Nouvelles orientations Dans ce cadre, le nouveau modèle prévoit d'aller chercher la croissance dans la sphère économique réelle et cesser de faire des richesses naturelles le garant de «la pérennité du modèle politique et social actuel». Réformer la fiscalité et rénover la politique budgétaire en sont des points forts. L'objectif étant d'améliorer les recettes de la fiscalité ordinaire afin que cette dernière puisse couvrir, à l'horizon 2019, les dépenses de fonctionnement ainsi que les dépenses des équipements publics. Et donc de se substituer progressivement au poids de la fiscalité pétrolière. La nouvelle politique budgétaire voudrait mettre plus à contribution le marché financier local pour mobiliser de nouvelles ressources. Le lancement d'un emprunt obligataire en avril dernier s'inscrit justement dans cette optique. Cet appel à l'épargne a eu des résultats positifs, selon le ministre des Finances, qui n'a jamais donné d'indication sur la nature des souscripteurs. Les indiscrétions indiquent que la part du public y est minimale, pour ne pas dire insignifiante. Epargne interne L'emprunt national pour la croissance économique — tel qu'il a été baptisé et qui s'est achevé le 16 octobre 2016 — a tout de même permis de collecter 568 milliards de dinars, de quoi couvrir le déficit du Trésor à hauteur de 30%. Les trois quarts du déficit ont été épongés par le recours au Fonds de régulation des recettes (FRR) qui est quasiment épuisé. A la fin du premier semestre 2016, le FFR avait financé le déficit à hauteur de 1333 milliards de dinars. Sur les 17 500 milliards de dinars prélevés du Fonds entre 2000 et 2015, plus de 80% ont servi à résorber les déficits du Trésor. A la veille de son épuisement programmé, le gouvernement devra trouver d'autres ressources à mettre au service de l'économie. L'année 2016 a déjà marqué le retour à l'endettement externe dix ans après avoir payé la dette extérieure par anticipation. Un emprunt qui en appelle d'autres. Retour à l'endettement La Banque africaine de développement (BAD) a approuvé en novembre un prêt de 900 millions d'euros sur deux ans pour le Programme d'appui à la compétitivité industrielle et énergétique en Algérie (PACIE). Le prêt vise à «créer des conditions propices à une croissance inclusive en Algérie à travers la mise en œuvre de réformes économiques (assurer une consolidation budgétaire par l'amélioration de la mobilisation des recettes intérieures, la rationalisation des dépenses), l'amélioration du climat des affaires grâce à l'ouverture de l'économie, la rénovation du cadre de l'initiative privée et de l'activité économique, l'optimisation de l'efficacité du secteur de l'énergie et la promotion des énergies renouvelables pour une offre énergétique durable». Mais la question de l'endettement ne fait pas l'unanimité. Ahmed Ouyahia, chef de cabinet de la Présidence, est totalement contre l'option du retour à l'endettement externe qu'il considère comme une «solution de facilité qui, en cas d'excès, pourrait dans quelques années hypothéquer la souveraineté économique du pays et exposer la population à des mesures sociales dramatiques, comme ce fut le cas déjà dans le cadre de l'ajustement structurel sous l'égide du FMI alors que l'Algérie était dans l'incapacité de faire face au remboursement d'une dette extérieure qui culminait à 30 milliards de dollars». Une position différente de certains autres économistes, dont celle de l'ex-ministre des Finances Abderrahmane Benkhalfa pour qui la dette extérieure «est un levier de croissance».