Rien n'échappe désormais à la contrefaçon. Le phénomène se porte bien et prend des proportions alarmantes dans beaucoup de pays, dont l'Algérie semble être un terreau des plus fertiles.Profitant d'une désorganisation liée à une transition " élastique " de passage d'une économie dirigée à une économie de marché, et tirant profit d'un climat d'insécurité propice à toutes sortes d'escroqueries, le consommateur algérien se retrouve cerné de toutes parts par des produits contrefaits. Et rien n'y échappe : produits électroménagers, pièces de rechange, piratage de logiciels, oeuvres d'arts, piratage des œuvres musicales, violation des droits d'auteur et de la propriété intellectuelle, tabacs, monnaies, et comble de cynisme, des médicaments sont aussi contrefaits. En s'attaquant à l'un des domaines clé de la souveraineté des Etats qu'est la monnaie ainsi qu'à la santé directe des consommateurs en triturant des médicaments, Etats et ONG tirent la sonnette d'alarme face à un phénomène qui s'adapte et s'organise en fonction de nouvelles donnes nationales et internationales. En passant du stade artisanal et régional au stade industriel et planétaire, des secteurs entiers sont parfois contrôlés par des réseaux bien organisés et souvent criminels. Si dans les années 80, la contrefaçon affectait essentiellement les industries du luxe, la gamme des produits contrefaits ne cesse de se diversifier touchant presque tous les secteurs économiques, et certains n'hésitent pas à estimer ses parts à environ 10% du commerce mondial, représentant un manque à gagner de près de 400 milliards de dollars dans le monde. En Algérie, l'un des secteurs les plus touchés est celui des produits cosmétiques. Une enquête du ministère du Commerce a fait état d'un taux d'infraction en matière de contrefaçon de l'ordre de 50% dans les textiles et de 40% dans les cosmétiques et articles chaussants. Les prix relativement bas pratiqués par ces contrefacteurs arrangent parfois les petites bourses, dont la qualité des produits est loin de constituer leur première priorité. Les consommateurs ne sont pas les seules victimes de la contrefaçon, puisqu'elle entraîne des pertes de parts de marché pour les entreprises, qui sont atteintes dans l'image de marque des produits authentiques, et se voient aussi spoliées du bénéfice de leurs efforts d'investissement, de recherche, de création de publicité et de développement commercial. Pour les Etats, la contrefaçon a un coût social important, et constitue une source d'évasion fiscale. Selon des données statistiques d'organismes de lutte contre la contrefaçon, ce fléau représente environ 12 % du marché mondial du jouet, 10 % du marché mondial de la parfumerie et des cosmétiques et 5 à 10 % du marché européen des pièces de rechange automobiles. Cadre juridique Beaucoup de produits contrefaits sont fabriqués en Asie du Sud-Est (Chine, Thaïlande, Singapour, Corée du Sud...), autour du bassin méditerranéen (Maroc, Tunisie, Turquie...), en Russie, et aussi au sein même de l'Union européenne (Espagne, Pologne, Italie...). Selon un rapport de l'OCDE, il est stipulé que l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord sur les ADPIC) définit la contrefaçon et le piratage en ces termes : " L'expression " marchandises de marque contrefaites" s'entend de toutes les marchandises, y compris leur emballage, portant sans autorisation une marque de fabrique ou de commerce qui est identique à la marque de fabrique ou de commerce valablement enregistrée pour lesdites marchandises, ou qui ne peut être distinguée dans ses aspects essentiels de cette marque, et qui de ce fait porte atteinte aux droits du titulaire de la marque en question. En vertu de la législation du pays d'importation, l'expression "marchandises pirates portant atteinte aux droits d'auteur" s'entend de toutes les copies faites sans le consentement du détenteur du droit ou d'une personne dûment autorisée par lui dans le pays de production et qui sont faites directement ou indirectement à partir d'un article dans les cas où la réalisation de ces copies aurait constitué une atteinte au droit d'auteur ou à un droit connexe en vertu de la législation du pays d'importation. " Techniquement, le mot anglais "counterfeiting" ne se réfère qu'aux cas spécifiques d'atteinte au droit des marques. Cependant, dans la pratique, ce mot signifie toute fabrication d'un produit qui imite l'apparence du produit d'un autre dans le but de faire croire au consommateur qu'il s'agit du produit d'un autre. Il peut recouvrir aussi la production et la distribution illégales d'un produit protégé par d'autres droits de propriété intellectuelle, en particulier le droit d'auteur et les droits voisins. L'OMS a annoncé récemment la création d'un groupe international de lutte contre la contrefaçon de médicaments (IMPACT). Selon cette organisation, les médicaments contrefaits "sont présents sur tous les marchés et sont de plus en plus nombreux à mesure que les faussaires améliorent leurs méthodes, infiltrent les canaux officiels de distribution, tout en utilisant des sites internet illégaux pour commercialiser leurs produits". L'information comme moyen de lutte Le phénomène toucherait plus particulièrement les pays dont les mécanismes de contrôle sont les plus faibles et qui sont souvent ceux qui ont la situation sanitaire la plus délicate et les populations les plus pauvres, selon l'OMS. Une enquête effectuée sur une vingtaine de pays par cette organisation fait ressortir que 60% des cas de contrefaçon concernent les pays pauvres et 40% les pays industrialisés. La Food and Drug Administration (FDA) des Etats-Unis estime à 10% les contrefaçons de médicaments du marché mondial. Les recettes mondiales de la vente des médicaments contrefaits et de qualité inférieure atteignent plus de 32 milliards de dollars US par an, selon cette autorité sanitaire américaine. D'autre part, un séminaire euro-méditerranéen sur la lutte contre le faux monnayage touchant l'euro, rassemblera des policiers et des magistrats de 16 pays, dont l'Algérie, ainsi que des institutions européennes telles que l'Olaf (Office européen de lutte anti-fraude), Europol, la Banque centrale européenne (BCE) et Interpol. Selon l'OCRFM, l'euro " attire la convoitise des contrefacteurs de tous les pays du monde ". L'OCRFM a indiqué que " 300.000 faux billets ont été retirés de la circulation en Europe au cours du premier semestre 2006 ". Selon la Banque centrale européenne (BCE), les fausses coupures retirées de la circulation se composent à 44% de billets de 20 euros, contre 36% de 50 euros, et 12 % de 100 euros. Pour l'ORCFM, la France se révèle particulièrement exposée à cette criminalité puisqu'elle concentre à elle seule 30% du total des faux euros mis en circulation en Europe, ce qui en fait le pays le plus touché devant l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne. Des experts ont noté que le faux monnayage est souvent lié à d'autres formes de criminalité, comme la fabrication de faux documents ou le trafic de drogue. L'OCDE s'est mise de la partie dans la lutte contre le fléau de la contrefaçon, et ce en lançant un projet dont l'objectif " est d'améliorer la compréhension pratique de la contrefaçon et du piratage et de faire mieux saisir les conséquences néfastes de ces violations des droits de propriété intellectuelle, telles que décrites et définies dans l'accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), pour les pouvoirs publics, les entreprises et les consommateurs des pays membres et des économies non membres ". Un rapport final sera rendu public en décembre 2006.