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Des montagnes du Hoggar au sommet du mont blanc
Abdallah,Targui alpiniste
Publié dans El Watan le 09 - 02 - 2017

En 1969, je rencontrai Abdallah Atanouf Ag Khabti, targui du Hoggar, et je sus tout de suite que nous nous entendrions à merveille et qu'il serait pour moi un compagnon inestimable. Je compris que sa curiosité égalerait la mienne, que nous passerions notre temps à nous questionner mutuellement et à prendre plaisir à nous expliquer.
Abdallah fait partie de la tribu Dag Ghali, fraction des Kel Tamanrasset, avec laquelle Charles de Foucauld eut de nombreux contacts. C'est d'ailleurs sur leur territoire, où se situe le plateau de l'Asekrem-n-Atakor, que cet homme d'exception installa son ermitage. Au début des années 1970, quelques anciens, dont Khabti Ag Abahag, père de mon nouvel ami, avaient connu ce religieux et ga encore un souvenir respectueux. Ils admiraient la rapidité (deux mois !) avec laquelle Foucauld avait appris la tamahaq, langue targuie du Hoggar, bien qu'ils soient loin d'en imaginer les difficultés pour un Européen.
Foucauld acquis très vite la réputation de parler cette langue mieux que les gens du pays ! Les quatre volumes du dictionnaire qu'il composa en sont la preuve. Pour toucher au sujet de ce récit, il convient de savoir qu'en 1913, Charles de Foucauld, lors d'un voyage en France, emmena avec lui un Targui, chez les Kel Tamanrasset, d'une vingtaine d'années, Ouksem ag Chikât. Il le reçut dans sa famille et lui fit visiter la France.
Depuis Chamonix, ils firent une excursion sur la Mer de Glace, ce qui fit comprendre au jeune Targui l'importance de l'immense réserve d'eau que constitue un glacier. La Mer de Glace, alors beaucoup plus importante qu'aujourd'hui, impressionna certainement Ouksem. Il dut en parler autour de lui, car en 1970, on y faisait encore allusion dans le campement de Abdallah. Inutile de dire que le Mont blanc (4810 m) domina leur voyage de toute sa majesté !
Autre célébrité qui séjourna chez les Kel Tamanrasset : Henri Lhote.
Bien qu'il n'ait pas découvert lui-même les peintures de l'Ajjer, nous lui devons de les avoir fait connaître au monde entier. Mais avant d'être préhistorien, il fut, dès 1929 et pendant de nombreuses années, un ethnologue de terrain. Dans son livre sur Henri Lhote, Monique Vérité dit très justement qu'il fut «adoubé targui par son parrain Ouksem Ag Ourar, le chef des Dag Rali» et que «Akhamouk ag Ihemma, l'aménokal de la confédération des Touareg du Hoggar lui plaça le litham sur sa tête, à la manière des nobles».
Dans l'ouvrage de Monique Vérité, on découvre aussi qu'Henri Lhote, au cours d'une mission de cinq mois en 1947-48, «privilégia la constitution d'un fonds d'archives sonores, photographiques et filmiques», ce qui lui permit d'enregistrer la légende de la montagne Ilaman chantée par Khabti Ag Abahag accompagné de «Routa, la réputée joueuse d'imzad» de l'époque. Pour terminer ces anecdotes, j'appris de Abdallah qu'«une Lhote» signifia longtemps, chez les Kel Tamanrasset, une lame de rasoir ! L'ethnologue était le seul à posséder de ces petits objets si utiles et avait pris pour habitude de remercier ses informateurs en leur offrant… une Lhote.
Un autre grand homme, qui fit ses premiers pas d'ethnologue au Hoggar, fut Jean Malaurie, qui s'orienta plus tard vers le Groënland, où il fit carrière et devint spécialiste des Inuits. Malaurie eut justement pour guide Khabti, le père de notre ami pour se rendre en Téfedest. I il apprécia beaucoup la personnalité de Khabti et il aurait voulu que nous prenions le temps de raconter la vie de cet homme si vif, intelligent, intègre et généreux. A l'époque de notre rencontre, Abdallah ne connaissait pas grand-chose de l'extension du monde.
Sa participation à trois caravanes, qui le firent voyager de l'Amadror au Niger pour échanger du sel contre du mil, lui avait néanmoins beaucoup appris sur la vie caravanière. Enfant, il avait eu la chance de suivre quelques mois les cours de l'école nomade que dispensa dans son campement un instituteur installé sous une tente avec son tableau noir. Grâce à une mémoire prodigieuse, Abdallah maîtrisa vite suffisamment de français pour se faire comprendre et comprendre son instituteur. Il est évident que connaître tefrancis, la langue des ikufar, allait lui être d'une grande utilité dans le métier de guide qui devait occuper son avenir.
En 1970, les Touareg s'appuyaient encore énormément sur la tradition, mais très vite Abdallah, esprit ouvert et conciliant, sut innover dans beaucoup de domaines, grâce au contact avec le tourisme. Participer à des courses de chameaux, voilà un sport «intelligent» chez les Touareg, mais à leurs yeux, se lancer par exemple dans l'escalade sportive au risque de se rompre le cou n'avait aucun sens !
Toutefois, si un Targui accomplissait des acrobaties sur les rochers, ce n'était pas pour atteindre glorieusement un sommet, mais pour aller simplement récolter du bois dans un couloir, traquer un mouflon ou sauver une chèvre trop audacieuse coincée dans une paroi… Son père avait dit à mon ami qu'il ne voulait pas le voir sur des falaises, son fils était guide de chameaux, quant à Bernezat, libre à lui de faire le guide dans les rochers, puisque c'était son métier.
Lorsqu'on sait que dans les montagnes des territoires touareg vivent les Kel Esuf, autrement dit les djenoun et les génies de toutes espèces et qualités, on comprend que le père ait voulu protéger son fils... Désobéissant néanmoins à son père et bravant les traditions, Abdoulahi découvrit avec moi l'escalade sportive. J'ai déjà eu l'occasion de décrire les talents de grimpeur d'Abdallah. La crainte du manque de solidité du matériel fut pour lui le plus difficile à surmonter.
Se pendre à une corde en matière synthétique pour descendre en rappel, s'accrocher à un piton enfoncé à coups de marteau dans une fissure du rocher, à un mousqueton, lui paraissait de la pure démence. Lorsqu'il se rendit compte que ce matériel était d'une résistance à toute épreuve, il osa se lancer dans des ascensions de plus en plus difficiles. Fort, souple et adroit, s'élever dans les rochers lui posait peu de problèmes.
Il réussit donc la première ascension targuie de l'Aharar et de l'Iharen, un temps appelé Pic Laperrine, puis près de l'Asekrem, celles de la Taridalt, de la face ouest de la Pointe Jean des Tezuiag qu'il mena plusieurs fois en tête de cordée, tout comme la voie normale de l'Asawinan, escaladant même le dièdre nord, une voie difficile de cette aiguille dans une tempête de neige ! Sa carrière de grimpeur lui fit encore accomplir, en plein été, l'arête sud-est de l'Ilaman (2739 m) où se trouve une petite traversée en dalle exposée.
«Tu as vu, je suis passé comme une fleur !» s'exclama-t-il après avoir franchi ce passage
Lors de son premier voyage en France, de grimpeur il devînt alpiniste ! Il fit d'abord l'ascension du mont Aiguille (2085 m) par un beau jour d'automne qui donnait au Vercors toute la flamboyance de ses forêts. C'est un sommet calcaire très individualisé qui dresse sa fière silhouette verticale au-dessus d'un paysage de vallons et de prairies ; c'est un sommet très connu qui attisa très tôt la convoitise des curieux et des aventuriers puisqu'il fut escaladé pour la première fois en 1492 ! Ensuite, depuis Chamonix, il fit la découverte du Mont Blanc, énorme montagne de neige, de glaciers et de séracs. Mais avant d'envisager l'ascension de ce sommet mythique, il rencontra quelques grands personnages de l'alpinisme, lors du centenaire du Club alpin français.
Roger Frison-Roche, guide bien connu et écrivain auquel il revient en partie d'avoir mis le désert à la mode, le salua jovialement, et en le tutoyant, lui demanda à quelle tribu il appartenait et s'il connaissait la montagne Ilaman dont il avait fait la deuxième ascension. Frison Roche avait aussi effectué la première ascension de la Garet El Djenoun, avec la Mission Coche en 1935, et celles de l'Iharen et de l'Asawinan. Abdallah savait tout ça et, très à l'aise avec cet alpiniste amical, lui répondit qu'il avait gravi l'Ilaman en notre compagnie…
Ensuite, vint le saluer Alain de Chatellus, autre grand nom de la montagne. Très cérémonieusement et en le vouvoyant cette fois, l'alpiniste lui dit qu'il avait beaucoup aimé son pays, qu'il aurait aimé y retourner, mais qu'il était trop vieux maintenant et qu'il était très heureux d'avoir effectué la troisième ascension de l'Ilaman… Incognito sous son chèche qu'il ne quittait pas, et intimidé, Abdallah était tout de même en pays connu…
Lors du cocktail, et comme on peut l'imaginer, Abdallah se tenait raide comme un piquet, ne laissant voir de son visage que les yeux. Impassible, il voyait passer devant lui les serveurs qui lui présentaient jus de fruits et toasts, mais il refusait tout… Chez eux, on ne mange pas devant des étrangers et surtout on ne montre pas sa bouche à tout le monde !
Toujours à l'occasion du centenaire du Club Alpin français, il fut invité à l'inauguration du refuge d'Argentière. Là, il rencontra encore de grand noms de la montagne, sinon de la politique, comme Pierre Mazeaud, alors ministre des Sports et il retrouva Maurice Martin, secrétaire général du Club Alpin français. Ce dernier venait d'effectuer un séjour dans le Hoggar avec nous et nous avions fait l'ascension de l'Agelzam (bassin de l'oued Tangiet), tous ensemble, Abdallah comprit.
Pour parvenir sur le glacier d'Argentière depuis la vallée de Chamonix, nous lui fîmes emprunter le téléphérique des Grands Montets qui l'impressionna beaucoup : monter à toute allure en plein air suspendu à un câble et pénétrer au cœur d'un paysage de pics sauvages et glacés…
Une fois sur le glacier, qu'il fallait traverser et longer pour rejoindre le refuge, Abdallah fit connaissance de la marche avec les grosses chaussures, les guêtres, les gants, le piolet, les crampons à mettre sous les chaussures, la corde, l'encordement, la marche prudente entre les crevasses, et bien sur le brouillard et la neige qui tombait en rafales ! Finalement, cette montée au refuge d'Argentière, qui se voulait festive, fut un bon apprentissage en vue d'une ascension plus difficile…
Après cette belle incursion en altitude, et de retour à Chamonix, il me fallait convaincre Abdallah d'envisager l'ascension du Mont blanc… De Chamonix, Abdallah levait les yeux vers les immenses pentes de neige et de glace qui dominent le fond de la vallée. Il y a de quoi se laisser impressionner ! Lui promettant qu'il serait bien entouré, il accepta. J'avais prévu l'assistance de mon ami René Corompt, guide lui aussi, et d'Odette que la présence féminine devrait rassurer, en plus de sa qualité d'excellente montagnarde.
C'est dans les éclairs, le tonnerre et la pluie que nous parvînmes au refuge de Tête Rousse (3167 m) où nous passâmes la nuit. Le lendemain, au lever du jour, s'il était visible qu'il avait beaucoup neigé pendant la nuit, on pouvait se rendre compte, qu'au-dessus de la couche de nuages, le ciel était clair. Aussi, plutôt que de redescendre, nous décidâmes de tenter de monter jusqu'au refuge du Goûter (3815 m) qu'il était prévu d'atteindre la veille.
Voici ce qu'a écrit Odette à la suite de l'ascension : «Nous sortons très vite de la purée pour nous retrouver en plein soleil au-dessus d'une opaque mer de nuages. Il fait grand beau mais l'aiguille du Goûter est couverte de neige fraîche. Abdallah montrera les photos de son ascension à ses amis touareg et ceux-ci s'étonneront qu'il y a un pays où les montagnes sont si hautes qu'elles dépassent les nuages… Des montagnes ''au-dessus des nuages'' !
Nous parvenons au refuge du Goûter dans la matinée, après avoir croisé plusieurs cordées, «caravanes», dit notre Touareg, qui descendent du sommet. Malgré ses grosses chaussures, Abdallah a pris du plaisir dans la montée, entre cailloux et neige, petits passages délicats, verglacés et glissants. Mais au refuge, Abdallah ayant mal à la tête, et puisque nous avons tout notre temps, les guides envisagent de faire escale au refuge jusqu'au lendemain, sage étape d'acclimatation pour notre ami.
Cependant, notre héros, requinqué par une aspirine, se sent une faim de loup, mange de très bon appétit et semble à nouveau en pleine forme. Nous décidons donc de profiter du temps splendide et de continuer.» «Départ. Il fait un temps vraiment calme et serein, sans un souffle, et même chaud, puisque nous arriverons en chemise au sommet, à 4810 m ! Nous croisons les dernières cordées qui redescendent, puis nous sommes seuls avec deux Autrichiens qui font comme nous et profitent de la chance. Nous suivons la trace, ''piste'',dit Abdallah, faite par ceux du matin dans la neige fraîche.
Abdallah expliquera à ses copains du Hoggar que cette neige-là, "blanche-blanche", éblouissante, ne disparaît "jamais-jamais", même en plein été, et que même, c'est elle qui fait le glacier… Abdallah connaît la neige pour l'avoir vue un hiver sur son campement, immobilisé par elle pendant six jours, paralysé, gens et chèvres serrés ensemble sous les tentes à attendre que veuille bien fondre la légère couche.
Quant aux chameaux, ils restaient également immobiles et debout, frissonnant de froid et d'étonnement.» Odette continue son récit en évoquant ce que pourrait craindre Abdallah des glaciers… «Quant aux glaciers ! Son père lui a raconté l'aventure d'Uksem ag Chikât. […] Uksem avait fait avec lui [le Père de Foucauld] et un guide une balade sur la Mer de Glace. Charles de Foucauld avait, paraît-il, recommandé à Uksem de mettre les pieds dans ses traces [celles du guide] car il y a des trous qui vous avalent si on y tombe.»
«Cette simple anecdote renforce chez les Imûhar la croyance en l'existence d'êtres mystérieux, Kel Esuf ou Gens de la Solitude, génies qui hantent tous les lieux mystérieux et, par conséquent, un glacier dont les crevasses tirent les promeneurs par les pieds.» «Pour le rassurer, nous lui expliquons donc par le détail ce qu'est une crevasse, comment elle se forme, comment elle évolue et le pourquoi de son danger. Nous lui racontons la marche lente des glaces sous nos pieds, la formation des séracs et des moraines. Bref ! Bernouze lui parle tout au long de la montée, lui nomme les sommets qui surgissent de la mer de nuages autour de nous. Et Abdallah, jusqu'au sommet, pose des questions…
Plus tard, penché sur les photos de son expédition au Mont Blanc, Abdallah mettra le doigt sur un sérac et expliquera avec fierté à ses copains qu'il a vu, ed titawin-in, ''avec mes yeux" un sérac de la face nord de Bionnassay s'écrouler en poussière. - C'est la glace d'en bas qui laisse sa place à la nouvelle neige d'en-haut.» «Distrait par nos histoires et le bavardage de Bernouze et de René, Abdallah est en confiance. Il avance paisiblement, sans gêne respiratoire apparente, le pas assuré. A Vallot, il s'étonne. Une maison ici ? Pour quoi faire ?
Nouvelles explications : l'observatoire, les nombreuses tentatives de première ascension, Balmat, Saussure et Henriette d'Angeville en robe et capeline.Omission volontaire des tragédies, des tempêtes, des gelures, des dévissages, toutes les choses qui l'auraient inquiété et que nous lui réservons pour le retour afin que son aventure n'en soit que plus vaillante et que le récit qu'il en fera lui attire l'admiration totale…»
Au sommet, Abdallah pose pour une photo historique.
«De son ascension, il dira surtout que du haut de l'énorme tas de neige (4810 mètres alors que sa Tahat n'en fait pas tout à fait 3000 et n'est que du caillou !), tout était très petit, même les autres très grandes montagnes, qu'il y en avait partout autour, souvent très pointues mais toutes sortant des nuages blancs.
Du sommet, il voyait très-très loin. - Du sommet, je voyais les montagnes de trois pays en même temps ! A la descente, les cordées que nous croisions s'informaient de l'état de notre compagnon, pensant que l'énorme pansement serré autour de sa tête, son chèche, cachait une grave blessure !» Lors d'un deuxième séjour en France, en 1980, il revînt volontiers à la haute montagne.
Il aimait la grandeur de la montagne, semblable à l'immensité de son désert… Dans le massif de l'Oisans, il fit l'ascension du Pic des Agneaux (3664 m), puis retourna avec plaisir au mont Aiguille où, avec Albert Coccoz, un autre ami guide de haute montagne, il gravit la très difficile voie de la Tour des Gémeaux.
A l'heure actuelle, en 2017, Abdallah Atanouf reste sans doute le seul Touareg algérien à avoir effectué l'ascension de ce sommet mythique qu'est le Mont Blanc, Toit de l'Europe. Mais je pense que ce qu'il faut retenir de son aventure, c'est la confiance avec laquelle il accepta d'autres coutumes et usages que les siens ; confiance qui prouve chez lui une grande ouverte d'esprit et un pouvoir d'adaptation peu commun.


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