La fin du mois de mars devrait marquer pour le groupe Sonatrach le début des renégociations des contrats gaziers à long terme conclus avec ses clients depuis une vingtaine d'années. Le début du long processus de négociations que doit mener le groupe s'enclenchera dans quelques semaines avec la révision des contrats conclus avec son partenaires français Engie (ex-Gaz de France), avant de s'étendre au fur et à mesure à d'autres contrats signés notamment avec les pays du sud de la Méditerranée, suite au vote de la loi sur les hydrocarbures en décembre 1991. Des contrats qui se sont renforcés et multipliés dans le sillage des projets de gazoducs reliant l'Algérie à l'Europe et qui plaçaient l'Algérie en tant que fournisseur naturel et incontournable de l'Europe. Malgré le changement de conjoncture, l'Algérie restera toujours, selon les experts, un partenaire fiable et privilégié de l'Europe au vu des infrastructures existantes et de sa proximité avec ses clients. Ainsi, pour l'ancien PDG de Sonatrach et expert pétrolier, Abdelamdjid Attar, contacté par El Watan, «l'Algérie a des atouts majeurs que peu de pays possèdent. Le premier, même si cela peut paraître paradoxal, vient du fait que l'Algérie produit en ce moment avec le maximum de ses capacités qui correspondent déjà aux engagements contractuels de livraison jusqu'en 2019-20120, et n'ont jamais connu de rupture depuis des décennies. Le deuxième avantage est la proximité avec ses principaux clients de l'Europe du sud et sa liaison avec déjà trois gazoducs pouvant livrer la majeure partie de ses exportations avec beaucoup de flexibilité. Le troisième avantage repose sur des capacités de GNL déjà surdimensionnées et complémentaires par rapport au transport par gazoducs. Ces deux moyens sont en mesure d'assurer un volume d'exportation largement supérieur à la production commercialisable totale qui est d'environ 85 milliards de m3». Le poids de la conjoncture L'Algérie, forte de ses atouts, devra bientôt se conformer à de nouvelles règles de jeu imposées par la concurrence et les nouveaux tarifs du gaz. En l'absence d'une Opep du gaz qui aurait pu — comme c'est le cas pour le pétrole — cristalliser les efforts des producteurs et défendre leurs intérêts face à leurs clients, l'Algérie n'as d'autre choix que d'agir pour affiner sa stratégie de négociation et sauvegarder sa place. Un premier changement s'est opéré déjà dans le discours officiel. Loin de l'intransigeance clamée depuis des années aussi bien par le ministre de l'Energie Noureddine Boutarfa que par les responsables de Sonatrach, l'Algérie se prononce actuellement pour «une reconsidération des contrats à long terme» au vu des demandes des clients européens, mais aussi parce qu'elle veut imposer les meilleurs termes lors de l'établissement des prochains contrats. La sortie publique des dirigeants du secteur peut s'apparenter à une volonté de reprendre l'initiative vis-à-vis de l'Europe et de ne plus être sur la défensive, et donc en position de faiblesse, face à l'arrivée de nouveaux producteurs et à la rude concurrence qui s'est installée au sein même du marché européen. C'est en tout cas une des lectures que l'on peut faire suite au récent positionnement des pouvoirs publics sur la question des contrats gaziers, même si, selon d'autres lectures, Sonatrach est de toutes les façons obligée de céder aux pressions de ses clients et de revoir ainsi ses conditions pour garder des parts de marché. Le désormais ex-PDG de Sonatrach, Amine Mazouzi, avait évoqué récemment «une reconsidération de la durée des contrats qui lient le groupe à ses partenaires» en estimant — le 24 février 2017 à partir de Hassi Messaoud où il se trouvait à l'occasion de la célébration de la nationalisation des hydrocarbures — que son groupe allait revoir la durée des contrats à long terme tel que le souhaitaient ses partenaires, mais aussi selon les intérêts de Sonatrach qui choisit un double positionnement sur le long terme et le marché spot. La position de Sonatrach est en tout cas moins intransigeante par rapport à celles exprimées jusqu'en 2016 par les responsables du secteur. Une renégociation incontournable Le changement de discours est intervenu avec l'arrivée du nouveau ministre de l'Energie, Noureddine Boutarfa. Ce dernier a estimé il y a quelques mois que la renégociation est «une option incontournable». Pour le ministre, la concurrence du gaz américain et australien change la physionomie du marché et «l'Algérie n'a pas d'autre choix que de se mettre en compétition». Selon le ministre, «l'époque où le vendeur faisait la loi est révolue», l'ancien modèle étant «bel et bien mort». Le constat ayant été établi, la renégociation est aujourd'hui vraiment lancée. Elle se fera dans le sens d'un raccourcissement de la durée du contrat qui ne devrait plus dépasser dix à quinze ans au lieu de la moyenne de vingt à vingt-cinq ans en vigueur jusqu'à présent. Une série de renégociations devrait ainsi toucher tous les contrats arrivant pour la plupart à expiration entre 2017 et 2019. Il est à rappeler que le premier contrat à long terme a été signé par Sonatrach en octobre 1994 avec le groupe italien ENEL en vue de l'achat de gaz sur vingt ans avec la compagnie algérienne. L'accord portait alors sur la livraison de 4 milliards de m3 de gaz chaque année à partir de 1995. En 2006, un nouvel accord a ensuite été signé en prévision de la réalisation du Galsi, le gazoduc reliant l'Algérie à la Toscane en Italie. Lors d'une cérémonie à laquelle ont assisté, à Alger, le président de la République Abdelaziz Bouteflika et le Premier ministre italien Romano Prodi, la compagnie italienne ENEL a signé un accord avec Sonatrach pour la fourniture de gaz naturel via le gazoduc Galsi alors en construction. L'accord devait permettre à ENEL — qui importait alors directement 6 milliards de m3 de gaz par an à partir du gazoduc Transmed avec des contrats venant à échéance en 2019 — d'importer 2 milliards de m3 de gaz par an pendant 15 ans à compter de la mise en service du gazoduc. Pour ce qui est des contrats signés par l'Algérie avec son client français, il est à rappeler que Sonatrach et Gaz de France (actuellement Engie) avaient décidé en 2007, lors de la visite en Algérie du président français Nicolas Sarkozy, de prolonger jusqu'en 2019 leurs contrats de gaz naturel liquéfié (GNL) arrivant à échéance en 2013, pour un montant annuel de l'ordre de 2,5 milliards d'euros. Les approvisionnements en gaz naturel algérien portaient alors sur un volume total de l'ordre de 10 milliards de m3 et représentaient près de 15% des approvisionnements du groupe français, faisant de l'Algérie l'un de ses principaux fournisseurs. Engie et sonatrach renégocient La coopération entre Gaz de France, actuellement Engie, et Sonatrach s'était également enrichie fin 2006 d'un nouveau contrat de 20 ans portant sur l'achat d'environ 1 milliard de m3 de gaz naturel destiné à être transporté à travers le Medgaz, dans lequel Gaz de France est partenaire à hauteur de 12%. C'est probablement cet accord arrivé à échéance qui sera revu dans les prochaines semaines à Paris, où devrait se déplacer le ministre de l'Energie, Noureddine Boutarfa, selon une information de Reuters. Il est à rappeler que de nombreux autres contrats ont également été signés par Sonatrach il y a vingt ans avec ses clients européens, dont l'Espagne et le Portugal pour la fourniture du gaz via les gazoducs reliant l'Algérie à l'Europe. Il en est ainsi des contrats signés, en 2006, avec la compagnie espagnole Endesa pour la fourniture de gaz à travers le Medgaz à partir de 2008. Endesa, 1er producteur d'électricité en Espagne et Sonatrach avaient auparavant signé, en juin 2001, un contrat de vente et d'achat de GNL de long terme pour un volume de 1 milliard de m3. Par ailleurs, en 2005, Sonatrach et la compagnie espagnole Iberdrola ont procédé à la signature d'un accord concernant l'accroissement des quantités annuelles du contrat de vente/achat de gaz à travers le projet Medgaz, signé en juillet 2004 de 1 milliard de m3 à 1,6 milliard de m3/an. Fin 2005, Sonatrach a également procédé à la signature d'un contrat de vente de gaz naturel avec la société espagnole CEPSA dans le cadre du projet Medgaz. D'une durée de 20 ans, ce contrat porte sur un volume de 1,6 milliard de m3 par an. En 2006, Sonatrach avait conclu également cinq accords de vente/achat de gaz naturel à travers le projet Galsi avec respectivement Edison pour un volume de 2 Gm3/an, Enel pour un volume de 2 Gm3/an, Hera pour un volume de 1 Gm3/an, Ascopiave pour un volume de 0,5 Gm3/an et Worldenergy pour un volume de 0,5 Gm3/an.