Trois candidats étaient en lice, hier, avec celui du FLN, Saïd Bouhadja, pour briguer le poste de président de l'APN. Même si tout le monde sait que Saïd Bouhadja - qui était déjà dans ce costume hier - avait raflé la majorité absolue avec les voix des partis de l'alliance présidentielle, les autres candidats ont voulu, par leur participation, briser la pratique du plébiscite en passant au scrutin à bulletin secret pour la désignation du 3e homme de l'Etat. Hier, l'ambiance au Parlement était bien particulière. Certains députés semblent perdus dans un monde où ils font leur entrée pour la première fois, d'autres, très à l'aise, ne cessent de s'échanger les salutations et font des va-et-vient. C'était hier matin, au siège de l'Assemblée populaire nationale, lors de la séance d'installation officielle de l'APN. Tous partagent les mêmes préoccupations et trouvent que l'actuelle législature diffère de toutes celles qui l'ont précédée. Il est déjà 9h30, et les halls de l'hémicycle sont toujours encombrés, empestent l'odeur de la cigarette, alors que devant le comptoir de la cafétéria, députés et journalistes se bousculent pour un gobelet d'eau fraîche, de café ou de thé bien chaud. Les ministres-députés sont les plus sollicités. Comme des stars, ils sont harcelés par les nombreux journalistes, notamment des chaînes de télévision privées. Certains, comme Abdelmadjid Menasra, Tahar Khaoua, ou encore Tahar Hadjar sont prolixes, d'autres, comme Mohamed Djellab ou Sid Ahmed Ferroukhi se font plus discrets et évitent les déclarations publiques. Les discussions sur le prochain gouvernement sont évitées comme la peste. Aucun des ministres n'a voulu s'exprimer sur cette question, laissant transparaître une incertitude quant à l'avenir immédiat. Parmi les récipiendaires, beaucoup de jeunes, mais aussi de moins jeunes, ainsi que pas moins de 80 chefs d'entreprise. Peu nombreuses, les femmes sont moins visibles. Certaines sont accompagnées de leurs époux ou membres de leur famille. «Normal», nous dit une députée de Tébessa. «Pour la première fois, il y a toujours l'époux ou la famille qui est derrière pour nous encourager. Après, c'est autre chose», dit-elle. Nous nous approchons de quelques députés pour comprendre quel rôle peuvent-ils jouer dans une Assemblée mal élue. Universitaire, à peine la cinquantaine, Slimane Chenine, un ancien militant du MSP, converti en journaliste, élu sur la liste de l'alliance «Bina-Adala», estime qu'une «forte frange de la composante actuelle est rompue à la politique et a des idées très intéressantes. Je suis un fervent défenseur du pluralisme. Le pays est devant un dilemme: une légitimité boiteuse ou rien. Ce rien mène inévitablement à la chute du pays. Personne n'a intérêt à arriver à une telle situation. Alors, composons avec une légitimité boiteuse, parce que nous nous ne sommes pas dans une logique de confrontation. Je sais qu'avec beaucoup d'autres députés, nous pouvons apporter un plus». «N'anticipez pas sur les choses» Très actif, Tahar Khaoua, qui entame son quatrième mandat de député du FLN, ne cesse d'être sollicité par les journalistes. Très politisé, il se projette déjà dans «les prochaines réformes» en disant qu' «elles doivent être poursuivies, puisqu'elles émanent de la nouvelle Constitution». Sur les difficultés économiques du pays, l'ancien ministre déclare : «Vous anticipez sur les choses.» Cependant, il estime qu'il faut «impérativement renforcer la démocratie. Nous ferons en sorte que le Haut conseil de la jeunesse soit installé pour prendre en charge les problèmes des jeunes, que la place de la femme au sein de la société soit meilleure et que l'économie du pays soit diversifiée.» Pour Khaoua, «les partis qui contestent la légitimité des élections sont présents à cette assemblée. Cela veut dire qu'ils ont accepté les résultats». Un peu moins optimiste, Seddik Chiheb, élu pour la troisième fois en tant que député RND, estime quant à lui, que «l'Assemblée doit se faire valoir auprès des citoyens afin de réhabiliter son rôle, en général et celui du député en particulier». Le député ne s'attend pas à un mandat facile. «Cette législature sera très difficile. Il faut qu'elle arrive à convaincre la population», dit-il, avant que le son strident de la cloche n'appelle les députés à pénétrer dans l'hémicycle. Avec sa tenue traditionnelle du sud du pays, Mohamed Laiza, 43 ans, est député de Illizi. Son avis tranche avec ceux de ses prédécesseurs. «Ce mandat sera plus difficile. Mais il y a des Algériens qui ont voté pour nous, parce qu'ils croient en nous. Nous devons être en mesure de donner des solutions à travers des projets de loi». Députée RND de la zone de Tunisie, Amira Salim, abonde dans le même sens. Elle trouve cette législature «très difficile» par rapport à celle de 2012, qu'elle a eu à exercer. Cependant, elle trouve que les nouvelles dispositions de la Constitution ont permis «des surprises» lors des élections. «La candidature de Saïd Bouhadja est un mauvais présage » Avocate du RCD, Lila Hadjarab, entame son deuxième mandat. L'urgence selon elle, «c'est de constituer un groupe parlementaire pour faire des propositions de loi. Le Parlement est une tribune. Nous avons des solutions aux problèmes du pays que nous voulons partager». Lui emboîtant le pas, Yassine Aissiouane, tête de liste du même parti à Tizi Ouzou, est plus précis. Il annonce que les députés du RCD «comptent demander une enquête parlementaire sur la gestion de la résidence d'Etat Sahel (Club des Pins), proposer une loi sur la limitation de l'immunité parlementaire et aider à résoudre les problèmes de la population». Me Fetta Sadat entre pour la première fois à l'Assemblée avec la casquette du RCD. Elle semble très déçue par la candidature de Saïd Bouhadja, au poste de président de l'APN. «C'est un mauvais présage. Ce qui nous attend est ardu». Les députés se dirigent vers l'hémicycle et les halls se vident. L'ancien ministre, Abdelmadjid Menasra, connaît très bien l'Assemblée pour avoir été député de 1994 à 2012. Il revient sous la bannière de l'alliance Front du changement-MSP. Il estime que l'actuelle législature «est différente et meilleure du point de vue du nombre de partis et des nouvelles dispositions de la Constitution qui donnent de nouveaux acquis». Professeur à l'université converti en chef d'entreprise, le député FLN de Tlemcen, Denouni, se dit très «satisfait». Selon lui, «il y a beaucoup de jeunes compétences qui vont faire la différence au sein de l'Assemblée. Je refuse qu'on parle de crise. L'Algérie est riche par ses hommes et certains sont là. Ils peuvent contribuer à l'effort de développement pour peu qu'on les laisse travailler. Ils ont une grande volonté». Les couloirs commencent à se vider. Les députés sont déjà installés. Le cafouillage dans les emplacements est réglé. Saïd Bouhadja, candidat du FLN à la présidence de l'Assemblée et doyen des députés, préside la séance, assisté par les deux plus jeunes parlementaires, qu'il dépasse de 54 ans d'âge. Il est bien assis sur sa chaise haute et donne l'impression d'être déjà dans son rôle de président. Il dirige la séance. L'appel des députés commence. Quatre manquent au décompte qui se poursuit durant 30 minutes. Puis, c'est la composition de la commission chargée de validation des membres de l'Assemblée. La séance est suspendue pour reprendre vers 15h50. Tahar Khaoua prend la parole pour annoncer la candidature de Saïd Bouhadja au nom du FLN, sous les applaudissements. Le député Nacer Hamdadouche du MSP qui, lui, présente comme candidat l'ancien ministre, Smail Mimoune, tête de liste de M'sila, même région que Makri. Il était question qu'il soit soutenu par le PT, mais ce parti s'est rétracté à la dernière minute. Le député de l'alliance Adala-Bina présente, quant à lui, le député Lakhdar Benkhellaf au poste de président de l'APN, et le RCD annonce la candidature de Nora Ouali, pour le même poste. Les représentants du RND, MPA, TAJ, PNSD, ANR et des indépendants expriment tous leur soutien au candidat du FLN, sous de fortes ovations. Le FFS, par la voix de Chafaa Bouaiche a annoncé que son parti s'abstient de participer à cette élection, mais «continuera à se battre pour un Etat de droit». La désignation du président de l'Assemblée passe par l'urne. Saïd Bouhadja, visiblement bien calé dans sa chaise, ne veut pas se lever. Ce qui irrite quelques députés, notamment du PT. «Le règlement vous oblige à quitter la tribune», lance Taazibt, du Parti des travailleurs. Un brouhaha indescriptible s'empare de la salle et des ovations fusent de partout comme pour chahuter les réclamations. Saïd Bouhadja calme le jeu. «Je vais partir. Les jeunes députés vont diriger l'opération», dit-il sous les applaudissements nourris des députés du FLN. L'opération débute à 17h00. Dès le début, une altercation verbale éclate entre le député du MSP, Nacer Hamdadouche et celui du FLN, Mahdjoub Bedda, après que ce dernier eut pris un seul bulletin, au lieu des quatre comme le précise le règlement. A 19h15, le dépouillement a commencé. Les résultats sont attendus vers 20h….