L'information a bouleversé plus d'un au sein de la famille Ikken, mais aussi parmi tous ceux qui ont vu en lui un jeune homme calme et ouvert. Toute la rédaction d'El Watan, dans laquelle il avait fait un passage, est aujourd'hui profondément consternée. Farid Ikken a travaillé, comme correspondant conventionné, à la rédaction d'El Watan de Béjaïa du 1er avril au 31 décembre 2013, neuf mois où il a fait preuve de discipline, mais surtout d'ouverture d'esprit et de tolérance. Nous l'avons sollicité pour son sérieux, ses compétences et son intégrité morale. Il s'occupait de traiter des sujets essentiellement d'ordre social. Nous ne lui connaissons aucun engagement religieux dans sa pratique journalistique. Dans sa vie quotidienne, la pratique la plus visible de sa religion musulmane était la prière. Ceux qui l'ont côtoyé se souviennent qu'il n'a été porteur d'aucun signe religieux ostentatoire, ni barbe, ni kamis, ni prêche. Les images de l'agression du policier, montrant un individu fonçant sur sa cible avec un marteau avant de tomber, touché par deux balles au genou et au thorax, sont choquantes. Si la silhouette de l'agresseur paraît être celle de Farid Ikken, pour beaucoup il n'a jamais été question dans ses discussions d'extrémisme ou de violence. Les informations reprises par les médias français affirmant que les enquêteurs ont trouvé une vidéo d'allégeance à Daech sont ahurissantes. «Il n'avait pas de sensibilité religieuse, encore moins radicale. Bien au contraire, il était très sensible à notre engagement pour la démocratie, les droits humains et la modernité», témoigne, sur Facebook, Saïd Salhi, vice-président de la LADDH, et originaire de la même ville que le mis en cause. Farid Ikken a-t-il vraiment agi par sensibilité religieuse ou par une autre pression extra religieuse ? «S'agit-il vraiment d'un acte avec un mobile religieux en lien avec les réseaux terroristes islamistes de Daech ?» s'interroge Saïd Salhi. La question taraude l'esprit de beaucoup de gens qui ont connu l'accusé. Comme Saïd Salhi, ils sont nombreux à avoir un doute : «Connaissant bien la personne, je refuse encore de le croire.» «J'ai bien connu ce jeune journaliste à la fac et à Béjaïa. Un jeune très sympa et studieux. Franchement, là je ne comprends rien. Impossible que ce soit lui», réagit, sur Facebook, le confrère Samir Larabi, également militant politique de gauche. Beaucoup d'internautes refusent de croire qu'il s'agit bien de Farid Ikken qu'ils ont connu et croient que le lien avec Daech est trop vite fait. Sa famille est assommée par l'information, bien qu'elle ne croit pas à toute cette histoire. «Au début, on avait cru à une erreur sur l'identité de l'assaillant, mais au fil du temps cela s'est confirmé», nous dit Sofiane Ikken, avocat, neveu de Farid. Selon lui, la famille s'apprête à engager un avocat en France. «Farid est rentré au pays durant l'été 2016. Il m'avait déclaré que Daech est une création de l'Occident et avait qualifié El Baghdadi d'abruti», témoigne notre interlocuteur. Farid Ikken pouvait-il opérer un tel revirement en si peu de temps ? Farid est le créateur d'un site d'information électronique, Béjaïa Aujourd'hui, qui était en instance de fermeture, parce qu'il envisageait de partir en France pour continuer ses études en sciences de l'information. «Il faut que je parte, j'ai envie de reprendre mes études», nous disait-il avec insistance, fin 2013. Ce qu'il avait effectivement fait pendant l'année 2014, lorsqu'il s'est inscrit en doctorat à l'université de Lorraine, où il vivait seul dans un studio en location. Pendant l'année 2014, il a collaboré avec le quotidien français Rue 89 qui lui a publié au moins deux papiers sur la situation des cancéreux en Algérie et l'exil des femmes.