Après une longue période d'observation, Ali Benflis frappe fort. Le secrétaire général de Talaie El Houriyat (Avant-garde des libertés), qui a présidé, hier à Alger, les travaux du comité central de son parti, a estimé que le «centre du pouvoir s'est déplacé» vers des «forces extraconstitutionnelles» qui se mêlent «dans le processus de décision national». Cette situation n'est pas venue ex nihilo, précise Ali Benflis. Pour l'ancien Premier ministre, la source du problème est «la vacance du pouvoir au sommet de l'Etat». Une situation qui a créé «un basculement sans précédent» et a entraîné «le délitement des institutions, une crise de représentativité et plus grave de légitimité à tous les niveaux», indique l'ancien Premier ministre dans un discours particulièrement sévère en direction du pouvoir en place. Le régime «est tellement obsédé par sa survie qu'il développe aujourd'hui une sévère addiction au statu quo. Il renie même les dérives et les dégâts qu'entraine son addiction. Il mesure parfaitement l'état de déliquescence, d'effritement, d'effondrement dans lequel se trouve aujourd'hui la maison Algérie. Mais à l'image de ses politiques, au lieu de s'attaquer à la rénovation réelle, il ne se préoccupe que de la peinture et du superficiel», a-t-il ajouté, qualifiant de «pièces théâtrales sordides» et de «films de série B» les luttes que se livrent les clans au pouvoir. Au pouvoir qui a tenté d'appeler au dialogue, Ali Benflis ne rejette pas la main tendue. Mais il pose ses conditions. Pour le secrétaire général de Talaie El Houriyat, il n'est pas question de servir «d'apparat» à un dialogue du pouvoir. «Pas un dialogue qui nourrirait le statu quo et qui servirait de faire-valoir au régime actuel. Nous ne sommes pas dans l'apparat, nous sommes dans le réel, ancrés dans la réalité de notre pays et la quotidienneté de nos concitoyens», a-t-il précisé non sans rappeler que «oui, nous appelons au dialogue et nous ne cesserons jamais d'appeler au dialogue». «Le peuple algérien ne mérite-t-il pas que nous nous concertions et que nous dialoguions entre nous pour régler définitivement la crise politique de légitimité et de gouvernance ? Le peuple algérien ne mérite-t-il pas que le régime actuel se détourne, ne serait-ce qu'un instant, de cette idée obsessionnelle du statu quo, et pense à d'autres priorités que sa propre survie, quand notre nation est en péril? L'Algérie ne mérite-t-elle pas un avenir plus radieux que le sombre présage que renvoie actuellement le régime en place ?» s'est interrogé l'homme politique. «Que je sois parfaitement clair, nous appelons au dialogue oui, mais nous n'allons pas transiger avec nos convictions, nos valeurs et nos principes», a-t-il encore ajouté. «Oui au dialogue, mais…» A ceux qui opposent «la stabilité» aux appels au changement, Ali Benflis appelle à ne pas «se tromper de concept». «La stabilité n'est pas synonyme de stagnation», a-t-il indiqué. «La véritable stabilité a pour corollaires la stabilité politique, la stabilité économique, la stabilité sociale, la stabilité sécuritaire. J'use du terme stabilité et non de stagnation. La stabilité permet le progrès. La stabilité favorise l'évolution et le renouveau», rappelle celui qui est arrivé en deuxième position à l'élection présidentielle de 2014. Le statu quo, l'immobilisme, la stagnation sont les véritables ennemis de la stabilité nationale. «La corruption, les scandales financiers, l'affairisme, le clientélisme, le népotisme, la dilapidation des richesses nationales sont les ennemis de la stabilité nationale. La vacance du pouvoir, le délitement de l'Etat, la déligitimation des institutions sont les ennemis de la stabilité nationale», assène encore le dirigeant politique. S'inscrivant résolument dans «l'opposition», Ali Benflis n'a pas omis de rappeler les propositions de son parti. Pour lui, seul «un changement de régime» qui passe par des «élections indépendantes» est susceptible de faire sortir le pays de la crise.