Le troisième et dernier jour des débats autour du plan d'action du gouvernement a vu l'intervention, dans la matinée d'hier, de près de 80 députés, alors que tard dans l'après-midi, c'était le tour des 10 présidents des groupes parlementaires de prendre la parole. Les 9 députés du RCD, à leur tête le président du parti Mohcine Belabbas, ont tous intervenu pour fustiger le contenu de la feuille de route présenté dimanche dernier par Ahmed Ouyahia. Le patron du RCD a rappelé au chef de l'Exécutif les accusations récentes de noircir la situation des partis au pouvoir à l'encontre du RCD : «Aujourd'hui, c'est vous-même qui présentez une situation plus inquiétantes que nous l'avions pensée, plus noire que nous l'avions dépeinte. Une crise plus aiguë que nous l'avions imaginée.» Pour Belabbas, la gravité de la crise n'a pas été suffisante pour convaincre le gouvernement de l'urgence d'une refondation structurelle à tous les niveaux et dans les multiples domaines. «L'analyse du contenu de votre plan d'action du gouvernement montre que vous faites l'impasse sur la dégradation générale de la situation du pays et, plus grave, vous en niez les causes dont vous êtes un des acteurs les plus actifs et les plus anciens», accuse le président du RCD qui brosse un tableau peu reluisant de la situation qui prévaut dans le pays. Il déplore l'absence, dans le plan d'action, de solutions crédibles à même de remettre en cause le système rentier et bureaucratique qui a provoqué la faillite de l'Etat, qui bloque la création d'entreprises et qui entrave le fonctionnement de celles qui survivent. «Depuis 2014, vous avez trouvé en la chute du prix du pétrole le coupable dans la faillite économique actuelle. Votre planche à billets incomparable avec celle des pays développés respectueux de l'autonomie de leur Banque centrale transformerait la Banque d'Algérie plutôt en banque faussaire», avertit Belabbas, dont le parti votera contre le plan du gouvernement. La crise est avant tout politique Atmane Mazouz, du même parti, estime que depuis longtemps les exercices des chefs de gouvernement et des ministres se suivent à l'intérieur de l'hémicycle, mais ne diffèrent guère. Souvent, explique-t-il, très abondants dans leurs assurances et capacités à régler les problèmes de la nation, alors que dans la réalité, les Algériens, selon Mazouz, savent bien que ce ne sont que des vœux pieux et des promesses sans lendemains, car habitués aux sombres bilans qui en résultent. Pour ce qui est des présidents des groupes parlementaires, Chafaa Bouaiche du FFS a estimé, dans son intervention, qu'il ne peut y avoir de développement quand il n'y a plus de confiance entre le gouvernant et les gouvernés. «La crise est avant tout politique», explique Bouaiche. La preuve, dit-il, est qu'aujourd'hui les députés débattent le plan d'action du gouvernement Ouyahia, trois mois seulement après l'adoption du plan d'action du gouvernement Tebboune qui contenait les mêmes notions et les mêmes ambitions. «Ce que nous avons vécu durant les trois derniers mois est une image confirmant l'instabilité de la décision au sein de l'Etat et ses institutions», tranche le député et illustrant ses propos par des exemples concrets : «Au mois de mai, Sellal a signé des décisions avant qu'elles ne soient annulées par Tebboune, et ensuite Ouyahia a annulé les décisions de ce dernier.» Un débat national s'impose «Comment convaincre les Algériens de l'existence d'une stratégie et d'une méthodologie pour faire face à la crise économique ? », s'interroge le représentant du FFS, convaincu que la majorité qui gère le pays depuis 1999 a échoué et n'a pas pu changer la nature de l'économie nationale basée sur la rente. Pour ce qui est du financement non conventionnel, tous les experts, rappelle Bouaiche, qu'Ouyahia qualifie de théoriciens, s'accordent à relever les dangers de cette démarche. «Nous voudrions aussi rappeler qu'il n'y a pas de comparaison à faire entre notre économie fragile et celles des pays développés», souligne Bouaiche, précisant que notre économie ressemble plutôt à celle du Venezuela et la Grèce. «Les appréhensions résident dans la révision de la loi sur la monnaie et le crédit qui constitue un véritable danger pour l'économie nationale en l'absence des mécanisme d'un véritable contrôle», affirme le député. Avis partagé par le PT Djelloul Djoudi, responsable du groupe parlementaire : «La planche à billets peut avoir des répercussions négatives à cours terme sur le pouvoir d'achat des citoyens et provoquera l'inflation. Nous ne sommes pas la grande-Bretagne, ni le Japon, encore moins les Etats-Unis», explique Djoudi, pour qui la planche à billets est une fuite en avant dangereuse. La solution pour le PT réside dans l'ouverture d'un débat national, démocratique pour tenter de trouver des solutions appropriées à la crise qui secoue le pays.