Le pouvoir ne s'est jamais donné les moyens, même au temps de l'abondance, de bâtir une véritable économie et un développement réel en faveur des populations. A présent que le train de la rente pétrolière est passé, il se retrouve sans outils pour gérer la crise, en dehors de la fatidique planche à billets. Faute d'avoir été révisé au moment où il y avait une large marge de manœuvre, le système des subventions aux produits de base est en train d'imploser, dans un étrange face-à-face entre les boulangers et les subdivisions administratives, parfois les services de sécurité. L'administration qui menace de fermer, par mesure de rétorsion, les échoppes artisanales, est devancée par des mouvements de grève. C'est la phase finale de l'échec et la population pouvait s'attendre à tous les revers, entre hausse des prix et pénuries, mais pas à régresser de plusieurs décennies et devoir préparer le pain à la maison. Les citoyens, indifféremment des classes sociales, ont fini depuis de nombreuses années par accepter l'idée que les prix en boulangerie vont devoir augmenter, non pas à cause de la crise financière qui touche l'Etat, mais du fait du phénomène du gaspillage qui s'est traduit par les scandaleux bacs à ordures prévus dans certaines villes pour un produit alimentaire quasiment sacré dans toutes les sociétés. Cependant, les mises à niveau et les révisions les plus douloureuses doivent se dérouler dans la concertation et le consensus. Les gouvernants ont choisi la méthode inverse, jusqu'à imposer le huis clos médiatique aux séances du Parlement à propos de la loi de finances 2018. Mais le débat s'impose. Il vient d'être porté dans la rue par les boulangers et il ne s'agit que d'une première répétition des futurs chocs sociaux qu'entraînera la déliquescence de la gouvernance passée et présente. Les différentes équipes gouvernementales ont multiplié les ajournements avant de remettre la copie du projet de loi sur la santé à la commission ad hoc de l'APN. Fort de sa décision de recourir au financement non conventionnel, le gouvernement a récemment annoncé la relance des projets d'hôpitaux, sans les CHU, mais il sera très vite amené à déterminer les modalités d'accès au système de santé dont on indique qu'il englobera les secteurs public et privé. Ce sont des syndicats des hospitaliers qui se sont exprimés, il y a une semaine, devant la commission parlementaire et ont plaidé pour la révision du service civil, qui ne touche pas beaucoup de citoyens, mais aussi de la gratuité des soins dont dépendent de larges couches de la population. Le syndicat des hospitalo-universitaires a ainsi préconisé la «mise en place d'un fichier des malades démunis pouvant bénéficier de la gratuité des soins». Le gouvernement le souhaite également, mais il n'en a pas les moyens techniques et les instruments d'évaluation. C'est pour la même raison qu'il a récemment abandonné l'idée de l'impôt sur la fortune. C'est en pleine crise économique que l'on se rend compte qu'un Etat de droit, ce sont d'abord des statistiques fiables. C'est parce qu'il est totalement désarmé dans ce registre que le pouvoir en place ne peut pas taxer les riches ni aider les pauvres.