L'Impôt sur la fortune n'aura pas lieu, du moins pour 2018, car si son retrait du texte du projet de loi de finances pour 2018 a été motivé par l'état du système d'information de l'administration fiscale, il pourrait n'être que partie remise. L'effet auprès de l'opinion publique aura été contraire à celui visé Si à l'origine la volonté était de démontrer à l'opinion publique que la richesse peut apporter sa contribution au budget de l'Etat, comme un prélèvement équitable sur le patrimoine des personnes fortunées, les moins riches auront considéré, à tort ou à raison, que le retrait de cet impôt obéit au lobby de la classe dite fortunée. La perception de cet impôt, par les non-concernés, est forcément différente de ceux qui devaient y être soumis et l'équité de répartition de la charge fiscale a finalement été desservie par le retrait du projet de texte. Il reste à voir, dans les mois à venir, si la modernisation de l'administration fiscale algérienne permettra de mettre en œuvre cet impôt qui repose sur une base déclarative, voire par taxation d'office de l'administration fiscale. Ce renvoi de l'application de l'impôt sur la fortune donnera certainement à l'administration le temps de mieux préparer l'approche de son implémentation qui passe certes par un système d'information adéquat mais également par une voie d'appropriation des personnes imposables. L'intitulé de l'impôt est par lui-même important car en tant qu'impôt sur la fortune, il peut être perçu comme un prélèvement de trop, alors que l'équité fiscale n'est en aucun cas reflétée dans son intitulé ni dans sa redistribution. Sous la fiscalité française, cet impôt a évolué au gré des tendances des différents gouvernements et a subi ainsi différentes mutations. Mis en place, en 1981 en tant qu'Impôt sur les grandes fortunes (IGF), il fut retiré en 1986 à l'occasion d'une bien célèbre cohabitation et remis sur orbite en 1988 en tant qu'Impôt de Solidarité sur la Fortune pour financer le revenu minimum d'insertion (RMI.) La notion de solidarité ne suffit pas, à elle seule pour justifier cet impôt ; encore faut-il en maitriser le périmètre. Une réforme récente en France a réduit son périmètre pour le remplacer par un Impôt sur la Fortune Immobilière excluant de la base les éléments mobiliers de patrimoine comme les véhicules, les tableaux d'art et les bijoux mais également les placements financiers. Que serait-il arrivé si l'impôt sur la fortune avait pris effet au 1er janvier 2018 ? La proposition d'implémentation de cet impôt a été faite par l'attribution d'un nouvel intitulé à un impôt déjà existant : l'impôt sur le patrimoine. Le projet de loi de finances proposait de désigner désormais l'impôt sur le patrimoine comme impôt sur la fortune en élargissant son périmètre à des éléments qui étaient exclus de la déclaration du patrimoine imposable comme les meubles meublants, les bijoux et pierreries, or et métaux précieux et les autres meubles corporels comme les créances, dépôts et cautionnements, les contrats d'assurance en cas de décès et les rentres viagères. L'impôt sur le patrimoine ainsi élargi, exclusion faite de l'habitation principale, devait se muter en un impôt sur la fortune élargi, dont le taux d'imposition de 1% sur la première fraction devait s'appliquer à tout patrimoine dont la valeur est supérieur ou égale à cinquante millions de dinars mais inférieure à cent millions de dinars. Tout en réduisant la borne inférieure d'imposition à cinquante millions de dinars et la borne supérieure de quatre cent-cinquante millions de dinars à quatre cent millions de dinars, les taux de l'impôt sur le patrimoine étaient proposés en tant qu'impôt sur la fortune à des taux doubles de ce qu'ils étaient en tant qu'ancien impôt sur le patrimoine. Ainsi, les fractions de la valeur nette taxable du patrimoine auraient été imposées entre 1% et 3,5%. Les personnes soumises au «nouvel impôt» seraient restées les mêmes que celles désignées pour l'impôt sur le patrimoine, soit les personnes physiques, autant pour leurs biens situés en Algérie qu'hors d'Algérie, tout comme la liste des biens exonérés n'aurait pas changé comme les biens à usage professionnel. C'est dire que nombre de ces règles prévalent, encore aujourd'hui, au titre de l'impôt sur le patrimoine Les personnes soumises à l'impôt sur le patrimoine doivent avoir souscrit une déclaration de patrimoine auprès de l'inspection des impôts à l'adresse de leur domicile tous les quatre (04) ans, au plus tard le 31 mars de la quatrième année. A défaut de souscrire cette déclaration de l'impôt sur le patrimoine, le contribuable donne lieu à une taxation d'office, une fois mis en demeure de régulariser sa situation, à trente (30) de notification, sans suite à cette dernière. Les fractions de valeur nette imposable commencent à cent millions de dinars pour un patrimoine imposable à 0,5% jusqu'à cent cinquante millions avec un taux incrémenté de 0,25% pour chaque fraction supérieure, jusqu'à atteindre un taux de 1,75% pour les valeurs supérieures à quatre cent cinquante millions de dinars, avec pour seuls éléments de patrimoine : • les biens immobiliers bâtis et non bâtis ; • les droits réels immobiliers ; • les biens mobiliers, tels que les véhicules automobiles particuliers d'une cylindrée supérieure à 2.000 cm3 (Essence) et de2.200 cm3 (Gaz oïl) ; les motocycles d'une cylindrée supérieure à 250 cm3; les yachts et les bateaux de plaisance; les avions de tourisme;les chevaux de course et les objets d'art et les tableaux de valeur estimés à plus de cinq cent mille dinars. La réhabilitation de l'impôt sur le patrimoine pourrait être un préalable à la mise en place d'un futur impôt sur la fortune, en intégrant les éléments de patrimoine qu'il est facile de recenser et d'évaluer comme les biens immobiliers. En attendant, la législation se durcit pour ce qui concerne les cas de disproportion marquée entre le train de vie du contribuable et de ses revenus. Sauf à ce que le contribuable puisse apporter la preuve que ses revenus ou que l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie, l'administration maintient son droit d'établir une nouvelle base d'imposition en revoyant certains éléments par l'application d'un barème de train de vie révisé et en innovant par une majoration du seuil d'imposition. Ainsi, le revenu forfaitaire se détermine pour : • les résidences principales, à l'exclusion des locaux à caractère professionnel, par cinq (05) fois la valeur locative actuelle courante ; • les résidences secondaires par six (06) fois la valeur locative actuelle ; • le personnel de maison par une valeur absolue de soixante-dix mille dinars par personne de moins de 60 ans ; • les voitures par les trois quarts de la valeur de chaque voiture neuve, après abattement de 20% après un an d'usage et de 10% supplémentaire par année pendant les quatre années suivantes. L'article 98 du Code des Impôts Directs et Taxes Assimilées adresse d'autres éléments comme les bateaux de plaisance à moteur fixe amovible ou hors-bord, les yachts ou bateaux de plaisance à voiles avec ou sans moteur auxiliaire, les avions de tourisme, les chevaux de selle et les chevaux de course. La nouveauté est principalement dans la majoration de 50 % de la somme forfaitaire, déterminée en application du barème, lorsque cette somme est supérieure ou égale à la dernière fraction supérieure du barème progressif de l'Impôt sur le Revenu Global (IRG) , soit un revenu annuel de 1.440.000 DA et lorsque le contribuable a disposé, de plus de six éléments du train de vie figurant au barème visé à l'article 98 du même code. La nouvelle rédaction de l'article 98 présente l'avantage de préciser la mesure de la disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus. Cette disproportion est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et de la majoration, prévue pour la résidence principale et la résidence secondaire, excède, d'au moins, un tiers, le montant du revenu net imposable déclaré, y compris, les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt en application d'un prélèvement. Pour établir un corollaire en termes de procédure, un nouvel article 33 bis est inséré au Code des Procédures Fiscales Cet article conçu à l'origine pour asseoir les modalités d'application de l'impôt sur la fortune se trouve inséré au Code des Procédures Fiscales pour appliquer les modalités de détermination de la situation patrimoniale pour l'impôt sur le patrimoine. Cet article établit qu'en cas de taxation d'office en matière d'impôt sur le patrimoine, les services fiscaux procèdent à la reconstitution de la situation patrimoniale des contribuables, suivant leurs signes extérieurs de patrimoine et les éléments du train de vie. Cet article précise que pour les besoins de la reconstitution de la situation patrimoniale des contribuables concernés par l'impôt sur le patrimoine et possédant des biens à l'étranger, les services fiscaux doivent procéder à une demande dans le cadre d'un échange de renseignements, conformément au droit fiscal conventionnel en vigueur. Pour la mise en application de l'impôt sur le patrimoine, il est fait obligation aux professionnels concernés de transmettre à l'administration fiscale, territorialement compétente un état détaillé comportant les noms, prénoms et adresses de leurs clients ayant acquis : • des véhicules de tourisme dont le prix dépasse les dix millions de dinars, pour ce qui concerne les concessionnaires automobiles; • des bijoux de luxe, pour ce qui concerne les bijoutiers ; • des objets de valeur par ventes aux enchères, pour les commissaires-priseurs. A défaut de fournir ces états à leur déclaration mensuelle de chiffre d'affaires, ces professionnels s'exposent à des vérifications approfondies de leur activité, en cas d'existence prouvée d'éléments non déclarés par eux. Ainsi, le Code des Procédures Fiscales n'aura pas manqué d'être complété, même si l'implémentation de l'impôt sur la fortune est partie remise.(A suivre)