Une journée scientifique consacrée au phénomène de la harga a regroupé, avant-hier à Mostaganem, les services de sécurité, des imams, des psychologues, sociologues, associations et autres responsables. Une tentative de harga a viré au drame pour les 11 candidats à l'émigration clandestine, parmi eux une femme divorcée, âgée de 35 ans. Tous sont originaires de la wilaya de Mostaganem. Ils ont pris le large à bord d'une embarcation de fortune en direction des côtes ibériques, vers les coups de 22h, jeudi dernier, et cela à partir de la plage de Sidi Lakhdar, 50 km à l'est de Mostaganem. Selon des sources concordantes, leur embarcation a chaviré suite aux conditions métrologiques non propices à cette longue traversée pour 53 miles marins, soit plus de 85,30 km au nord-ouest de Mostaganem. Parmi les onze candidats, 4 ont survécu mais sont dans un piètre état. Ils ont été sauvés par les unités de plongeurs des garde-côtes de Mostaganem. Deux personnes, malheureusement, ont été repêchées sans vie, dont la jeune femme de 35 ans, alors que les cinq autres sont portées disparues. Les deux dépouilles ont été transférées vers la morgue de l'hôpital de Che Guevara du centre-ville de Mostaganem par les éléments de la Protection civile, a-t-on appris de source concordante, tard dans la soirée de jeudi. L'opération de recherche se poursuit toujours sur le littoral mostaganémois, côté est, pour tenter de retrouver les infortunés harraga. Depuis quelques mois, le nombre de tentatives de harga a considérablement augmenté à Mostaganem. Les harraga ne sont pas que des chômeurs : beaucoup ont un emploi. On y compte des étudiants, des fonctionnaires, des commerçants ou des bénéficiaires du dispositif d'aide à l'emploi de jeunes, comme l'Ansej. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à tenter, elles aussi, la traversée suicidaire. Le père d'un harrag porté disparu et qui a souhaité garder l'anonymat, nous a confié que c'est lui qui a encouragé son fils pour la traversée en l'aidant financièrement. «Maintenant je regrette», déplore-t-il les larmes aux yeux, avant d'ajouter que la harga constitue désormais «un véritable business pour des guides qui ont aussi des rabatteurs dans la wilaya de Mostaganem». D'autres familles, dont leurs enfants se trouvent toujours au niveau des centres de détention en Espagne, se demandent pourquoi les services concernés n'ouvrent pas une enquête quant à la procuration d'importantes quantités d'essence dans des jerricans, à partir des stations-service. Pourtant, disent-ils, «ces personnes n'ont aucune autorisation administrative leur permettant de remplir les jerricans dans les stations-service. Les gestionnaires de ces stations devraient au moins dénoncer les acheteurs. Sinon il y a complicité». De son côté, hadj Abdelkader, qui a voulu se confier à notre journal — son fils harrag est à présent hospitalisé à Mostaganem — a révélé être contre ce phénomène. «D'ailleurs, j'étais surpris de découvrir que mon fils n'était pas rentré à la maison, alors qu'il était 2h. D'habitude, il ne dépasse pas les 21h dehors. On m'a informé qu'il faisait partie du groupe de harraga qui ont quitté tout récemment la côte de Benabdelmalek Ramdane. Sa mère est totalement déprimée.» Une enquête a été ouverte par les services de la Gendarmerie nationale en vue d'élucider cette tentative d'immigration organisée et appréhender les organisateurs de cette opération. De son côté, le représentant de la société pour la Défense des droits de l'homme du Dahra, Chachou Larbi, tire la sonnette d'alarme afin que tout soit fait pour «freiner ce phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur». Il interpelle les responsables à tous les niveaux pour œuvrer à la sensibilisation des parents. La société civile, l'école, les mosquées sont aussi concernés pour mettre fin à ce drame. Cela fait partie de leurs missions. Ils devront jouer un rôle important, dira-t-il. «La condamnation d'un harrag ne constitue nullement une solution au phénomène. Plutôt, c'est la consolidation des droits sociaux des citoyens en leur offrant davantage d'efforts pour la création d'emplois et fixer les jeunes dans leur pays», conclut notre interlocuteur. Les parents des disparus affirment que leurs fils «ne sont ni des criminels ni des escrocs, ils veulent seulement assurer leur avenir». Le commissariat des Scouts musulmans de la wilaya de Mostaganem, M. Taki, n'est pas resté insensible. Sans tarder, les responsables scouts de la wilaya, en présence de M. Taki, ont organisé avant-hier une journée scientifique sur le phénomène de la harga qui a pris des proportions alarmantes à Mostaganem. Les intervenants avaient souligné que ce phénomène est favorisé par plusieurs facteurs d'ordre économique et social. Le jeune qui se sent marginalisé tente l'aventure périlleuse pour un avenir meilleur ailleurs sous d'autres cieux. Pour freiner la harga et sauver d'autres vies, les intervenants ont évoqué les difficultés liées à cette forme d'émigration avec son corollaire de souffrance et de mort. Des mesures pour un changement devront être entreprises pour aider les jeunes qui ont du mal à créer leur propre sens de l'identité, de dignité et développer en eux une confiance par l'emploi et le logement. D'autres intervenants indiquent que la répression à elle seule ne servira à rien. Les associations devront faire un travail de campagne de sensibilisation des jeunes quant aux dangers qui les attendent en Europe. Les responsables locaux devront attirer par tous les moyens possibles cette jeunesse, avenir du pays, en utilisant le dialogue et la communication, plaident tour à tour les intervenants. Le champion du monde de boxe poids léger, résidant à Toulouse, en l'occurrence originaire de Mostaganem, Afif Djelti, a également était invité pour conseiller les jeunes et leur expliquer les difficultés qu'endurent les harraga en France. Ont prit part à cette journée les services de sécurité, des imams, des psychologues, sociologues, associations et autres responsables.