La remise par les services de renseignements algériens à leurs homologues français de la liste des détenus libérés dans le cadre de l'application de la charte pour la paix et la réconciliation nationale a suscité mécontentement et indignation chez les militants des droits de l'homme. Maître Zehouane, président de la Ligue pour la défense des droits de l'homme (Laddh), contacté hier par nos soins, qualifie, d'emblée, la décision des autorités algériennes de « grave scandale » puisque c'est « la dignité nationale qui est touchée ». Pour notre interlocuteur, qui estime que la question ne se pose pas en termes juridiques, les 2629 personnes figurant dans cette liste peuvent se réserver le droit de poursuivre les autorités algériennes en justice. Il explique que la coopération contre le terrorisme ne peut aller au-delà d'échanges d'informations entre les services de sécurité des deux pays. Selon maître Zehouane, le geste de l'Algérie ne peut se justifier que par deux cas de figure : si ces détenus élargis sont présumés d'actes de terrorisme en France ou s'ils sont candidats pour l'obtention de visas. Le président de la Laddh ajoute qu'une convention internationale – ou même bilatérale – ne peut concerner que des actes ayant été perpétrés dans un territoire étranger. Dans ce cas-là seulement, les présumés pourront être passibles de poursuites judiciaires ou de mesures d'extradition. Maître Zehouane affirme, en conclusion, que la remise de cette liste s'apparente à « un procès d'intention ». Pour sa part, le président de la Ligue des droits de l'homme (LADH), maître Guechir, joint hier par téléphone, relève le manque d'assise juridique pouvant cadrer la décision de l'Algérie. « C'est un geste condamnable », résume-t-il, même si l'Algérie, à l'instar de la communauté internationale, travaille dans le sens de la coopération contre le terrorisme, depuis les attentats du 11 septembre 2001. « Je demande aux autorités algériennes de faire la part des choses entre des éléments qui font partie du terrorisme international et ceux qui faisaient partie d'un terrorisme spécifique à l'Algérie », a expliqué le président de la LADH, ajoutant que la liste fournie à la France n'a rien à voir avec le terrorisme international. « Les terroristes algériens étaient en conflit avec le pouvoir pour des raisons politiques, économiques et sociales », dira-t-il. Seul le GSPC, selon lui, fait partie du terrorisme international dont la particularité réside dans l'absence de revendications. Pour notre source, une convention concerne seulement le terrorisme international. En tout cas, la remise de cette liste à Paris porte une contradiction au discours officiel prônant la réconciliation nationale, a conclu le président de la Ladh. Autre juriste à réagir maître Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'homme (Cncppdh) qui a tenu des propos peu amènes à l'égard du journal Le Figaro (à l'origine de l'information) qui est « peu crédible » et qui « n'est pas un ami de l'Algérie ». Mais, dans le cas où le geste de l'Algérie est avéré, notre interlocuteur tient à rappeler qu'une convention franco-algérienne portant sur la coopération judiciaire existe depuis 1962. Cela étant dit, il indique qu'« il n'y a rien d'extraordinaire et cet acte ne touche nullement à la souveraineté du pays ». Pour maître Ksentini, le cadre légal existe et le geste de l'Algérie n'est pas illégal. « Et ce n'est pas une traîtrise à l'égard de ces gens graciés. » D'autant plus, ajoute-il, que l'Algérie s'inscrit dans la coopération planétaire contre le terrorisme. A titre de rappel, Le Figaro, citant des sources officielles, a révélé, dans son édition de mardi, que les services de renseignements algériens ont fourni à leurs homologues français la liste complète des détenus islamistes libérés depuis mars 2006. La remise de ce document a été faite fin novembre, en réponse à l'assouplissement du régime des visas français au profit des Algériens, avait expliqué le journal.