Ce qui n'était qu'une simple rumeur s'est finalement confirmé hier. L'initiative du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad) ne fait plus l'unanimité, y compris parmi ses initiateurs. Il y a visiblement des mécontents au sein de l'aréopage des chefs d'Etat. Hier, au Club des pins à Alger, beaucoup de personnalités ont manqué à l'appel de ce sommet qui devait être celui des mises au point et des mises à plat de certains contentieux handicapant ce mécanisme lancé il y a six années. Seuls cinq chefs d'Etat ont effectué le déplacement à Alger dans l'espoir de secouer un Nepad qui, apparemment, n'attire plus grand monde. S'il est vrai que les ténors de cette initiative que sont le président sud-africain Thabo Mbeki et son homologue nigérian Olesegun Obasanju ont rejoint le président de la République Abdelaziz Bouteflika, force est de constater la défection remarquée du président sénégalais Abdoulaye Wade et celle du raïs égyptien Hosni Moubarak. Ces deux présidents font pourtant partie du groupe des cinq chefs d'Etat qui avaient jeté les bases du Nepad en 2001 à Lusaka. Hier, quand le carrousel des voitures rutilantes qui transportaient les chefs d'Etat au Palais des nations a commencé vers 10h30, tout le monde semblait retenir son souffle. La main de l'étranger... Et pour cause, le boycott du sommet par certains présidents était déjà dans l'air. Le président de la République, lui, en maître de cérémonie, accueillait ses invités de marque, le visage plutôt fermé. Mais au bout d'une vingtaine de minutes d'attente, tout le monde a compris que le sommet d'Alger du Nepad devait se suffire de quelques premiers ministres et autres envoyés spéciaux…Commencera alors un long conclave entre les chefs d'Etat présents (Algérie, Afrique du Sud, Nigeria, Mali, Ghana et Ethiopie) qui s'était poursuivi jusqu'à la fin de l'après-midi. Les journalistes venus en masse pour couvrir les travaux ont dû poireauter de longues heures dans la salle des plénières avant qu'on leur signifie que les travaux devaient se dérouler à… huis clos. Exit donc les discours d'ouverture et même la photo de famille… désunie. Pendant ce temps, les travées du Palais des nations renvoyaient l'écho des spéculations et autres explications quant aux nombreuses défections enregistrées parmi les chefs d'Etat partenaires du Nepad. Les commentaires concernaient notamment les présidents des Etats arabes de l'Afrique qui auront brillé – sans jeu de mots – par leur absence. Ni Hosni Moubarak ni Zine El Abidine Ben Ali, encore moins le tonitruant Mouammar El Kadhafi n'ont jugé utile de marquer leur présence, se contentant d'envoyer leurs ministres lire leurs discours de circonstance. Pourquoi donc la grande famille du Nepad s'est-elle à ce point dispersée ? C'est là le grand point d'interrogation qui aura polarisé l'intérêt des journalistes mais aussi des ministres et autres cadres qui ne s'attendaient pas à un tel scénario. Pour d'autres, cet échec traduit le « grand malaise » qui couvait au sein de l'organisation depuis quelque temps déjà, lié à l'intégration du comité de suivi du Nepad à l'Union africaine (UA). Certains pays, à l'image du Sénégal, ne semblent pas apprécier la stratégie adoptée par le trio de tête composé de l'Algérie, de l'Afrique du Sud et du Nigeria. Un haut responsable algérien ayant requis l'anonymat confie que les trois pays sont considérés comme une espèce de « club des riches » qui rechigneraient à aider les autres Etats partenaires du Nepad moins nantis, ne serait-ce qu'en leur concédant des matières premières (les hydrocarbures notamment) à des prix préférentiels. Leur argument étant que le Nepad devait d'abord trouver sa substance dans le cadre d'un partenariat interafricain. Une explication appuyée par des journalistes de certains pays d'Afrique noire, estimant que les leaders du Nepad « n'ont rien fait pour secourir le continent en butte à de nombreux problèmes ». Ces pays ont donc préféré ne pas s'investir politiquement dans un espace qui ne leur est pas bénéfique économiquement. Or les enjeux sont tout à fait ailleurs. Si le principe de l'intégration à l'Union africaine du comité de suivi du Nepad fait consensus, la manière l'est moins. Hier, alors que les « fondateurs » du Nepad que sont l'Algérie, le Nigeria et l'Afrique du Sud tentaient de faire adopter la recommandation qui ferait du Nepad l'interface des partenaires étrangers au sein de l'UA, des représentants de certains Etats s'entêtaient à ne pas accepter ce principe, sauf si le Nepad devait se fondre dans l'UA. Le président de la commission de l'UA, Alpha Omar Konaré, aura été l'empêcheur de tourner en rond, d'après certaines indiscrétions. Pour lui et pour d'autres délégués, il n'était pas question que le Nepad soit la tête pensante exclusive de l'UA en termes de stratégie de partenariat. L'arrière-pensée est que le Mali et d'autres pays comme le Sénégal souhaiteraient tirer profit des bienfaits du Nepad et dans le même temps s'assurer en « sous main » une valeur ajoutée en bilatéral avec leurs partenaires européens, asiatiques et américains, traditionnels. C'est précisément ce partenariat à double sens que rejette le groupe de l'Algérie, estimant à juste titre que cela induirait un affaiblissement de la position de l'Afrique dans ses négociations avec les grands de ce monde, notamment le G8. Ce conflit d'intérêts a d'ailleurs été le point d'achoppement des travaux hier, au point où le huis clos a été décrété pratiquement toute la journée. Et pour cause, juste le temps de prononcer trois discours, le conclave a repris dans l'espoir de trouver un terrain d'entente à des positions difficilement conciliables.