Au vu des flamboyants congrès et autres séminaires que s'offrent certains partis politiques algériens, l'on est en droit de s'interroger sur l'origine des ressources financières qu'utilisent les formations politiques. Le sujet reste délicat. En pleine campagne des élections législatives, les partis politiques ne sont pas très prompts à répondre à cette question. Presque tous les meetings se suivent et se ressemblent. Les applaudissements crépitent, la salle se lève, les cris fusent et les candidats rayonnent de joie. Derrière le rideau, cependant, les partisans se démènent pour le financement de leur parti. Tout semble se faire en tapinois. Les responsables mettent en sourdine toutes les questions financières. La majorité des responsables de campagne que nous avons interrogés se sont montrés peu prolixes sur ce sujet. Il est réellement difficile d'avoir une idée, aussi vague soit-elle, sur le montant des trésoreries des partis politiques algériens. Pourtant, la loi impose aux partis une certaine transparence. La loi électorale dans son article 27 précise que les revenus des partis doivent être constitués de cotisations de ses membres, de dons, legs et libéralités, ainsi que des aides éventuelles de l'Etat. Les législateurs ont pris le soin de souligner que les cotisations des membres du parti politique, y compris ceux résidant à l'étranger, sont versées uniquement en monnaie nationale et ne doivent excéder 10% du salaire national minimum garanti pour chaque membre et par mois. Les dons, legs et libéralités, eux, ne peuvent excéder 100 fois le salaire national minimum garanti, par donation et par an. De même que les partis doivent dans le cadre de cette déclaration au ministère de l'Intérieur mentionner "leur source, leurs auteurs, leur nature et leur valeur". Des hommes d'affaires en mal de reconnaissance politique L'ex-parti unique, le FLN, est considéré comme la formation politique la plus riche. M. Said Bouhadja, chargé de communication ne dément pas ce fait, affirmant que cela est dû au nombre important des militants du parti. Il soutient que les cadres politiques du FLN (dont lui-même) travaillent " bénévolement " au service du parti. " Ce n'est pas un appareil de l'Etat ", assène M. Bouhadja. L'on susurre, par ailleurs, que le parti jouit de l'appui de 1600 hommes d'affaires (dont une partie de commerçants) qui contribuent généreusement à l'épanouissement du FLN. Certains d'entre eux, dit-on, cherchent surtout une couverture politique pour poursuivre leurs activités économiques d'autant qu'il y a pas moins de 13 ministres du gouvernement faisant partie de la " famille " du FLN. M. Bouhadja, lui, assure ne pas pouvoir faire de différence entre les simples militants et les hommes d'affaires. " Je ne peux pas vous donner un chiffre exact sur le nombre d'hommes d'affaires sympathisants du FLN . Pour nous, ils sont des militants comme les autres ", déclare-t-il. En plus des dons des hommes d'affaires algériens en mal de reconnaissance politique, le parti de Belkhadem profite également des participations des militants, députés et autres ministres. Le parti compte, selon son chargé de communication, quelque 400.000 adhérents qui participent à hauteur de 400 DA par an, les étudiants et les chômeurs payent, quant à eux, 200 Da /an. Les ministres, les députés et les hauts cadres participent à hauteur de 50.000 Da par an. Les revenus de l'ex parti unique atteignent ainsi près de 14 milliards de centimes, auxquels s'ajoutent les 20 millions de centimes attribués par l'Etat sur chaque député. Le FLN bénéficie ainsi d'une aide financière de 4 milliards de centimes par an. Le chargé de communication du FLN nuance en disant que l'argent du parti est utilisé pour des " dépenses bien précises " comme l'organisation de séminaires, l'hébergement et la restauration. Il se refusera à nous donner le montant des dépenses du FLN. Le parti d'Ahmed Ouyahia, le RND, reste lui aussi, très secret sur ses revenus. Miloud Chorfi, chargé de communication et président du groupe parlementaire du parti, n'a même pas voulu nous communiquer le nombre des militants du parti sous prétexte de ne pas vouloir " attirer la jalousie des autres formations politiques ". En plus de la subvention que l'Etat accorde pour chaque député à l'APN (le RND en compte 47), le parti prélève chaque année, nous dit M. Chorfi, un mois de salaire à chaque député. Le militant du RND participe à hauteur de 50 DA pour les chômeurs et étudiants et 200 DA pour les autres adhérents. Les ministres et les hauts cadres versent quant à eux quelque 55.000 Da à la trésorerie du parti. Beaucoup d'hommes d'affaires donnent de l'argent au RND afin de s'approcher des cercles du pouvoir. Là aussi, le représentant du RND affirme ne pas faire de différence entre les hommes d'affaires et les simples citoyens. Le cas du MSP Il y a lieu de relever qu'une certaine suspicion pèse sur l'origine des ressources du MSP compte tenu de ses liens, existants ou supposés, avec l'organisation des Frères musulmans. L'on affirme qu'avant sa mort, le Cheikh Nahnah avait établi un rapport de confiance avec des pays du Golfe. S'il s'avérait que les pétrodollars étaient à l'origine de la fortune de l'ex-Hamas, le parti pourrait tomber sous le coup de la justice étant donné que la loi électorale dans son article 31 stipule clairement qu'"il est interdit aux partis politiques de recevoir, directement ou indirectement, un soutien financier ou matériel d'une quelconque partie étrangère, à quelque titre ou forme que ce soit" Interrogé sur ce sujet, Abderazak Mokri, vice président du MSP, affiche un large sourire. " Si vous connaissez ces hommes d'affaires du Golfe, présentez les nous ", s'exclame-t-il. Et d'ajouter : " les responsables du MSP sont jaloux de leur parti. Jamais ils ne permettront à des parties étrangères de s'y immiscer. Nous tenons à l'indépendance de notre parti ". Les revenus du MSP proviennent exclusivement, selon lui, des cotisations des militants. " Nous avons un budget de fonctionnement ainsi qu'un budget spécial pour la campagne des législatives ", précise M. Mokri. Pour lui, la gestion du parti est des plus transparentes. Les luttes de leadership qu'a connues le parti El Islah ont néanmoins révélé certaines zones d'ombres qui entourent la question du financement des partis politiques algériens. Les dissidents de Abdellah Djaballah ont, en effet, soutenu que depuis l'existence d'El Islah, né en 1999 suite à la scission d'Ennahda, "le parti a engrangé plus de 10 milliards de centimes provenant des subventions de l'Etat et des dons et legs". Ils affirment aussi que son président a détourné 13 milliards de centimes. La justice a tranché en faveur des membres d'El Islah accusant le manque de transparence dans la gestion de Djabballah. La suspicion autour de la question inhérente à l'argent des partis politiques ne semble guère propre aux formation politiques algériennes. En pleine campagne électorale, le candidat Français, Nicolas Sarkozy, avait suscité certaines réticences parmi ses adversaires pour avoir organisé le congrès le plus cher de l'histoire, dépensant à cet effet plus de 3,5 millions d'euros .