Visiblement ému, le visage rayonnant de satisfaction devant le défilé de chefs d'Etat, de gouvernement et de la diplomatie des 25 pays membres de l'UE, l'ancien président de la République française, Valéry Giscard D'Estaing, a assisté à la signature de la Constitution européenne, dont il a été l'acharné artisan. Le père inspirateur du texte de la charte de l'Europe avait lutté jusqu'au bout contre la volonté du Vatican et de plusieurs pays catholiques qui avaient opéré un véritable forcing politique pour inclure dans l'introduction du document un paragraphe qui ferait référence aux « racines chrétiennes de l'Europe ». Formule contestée par les responsables européens laïcs et remplacée par une autre plus consensuelle, suggérée par Giscard D'Estaing, « origines culturelles, religieuses et humanistes ». Mais les Italiens, aux côtés des Polonais, d'ailleurs chaleureusement remerciés par le souverain pontife lui-même pour leur « combattivité », avaient tout tenté pour donner à la Constitution le sceau de la chrétienneté. Et c'est en mauvais perdants que les responsables italiens se sont arrangés pour que l'acte de la signature advienne sous la statue du pape Ignace X, dans la salle des cérémonies du capitole, la même où en 1957, seuls six pays européens avaient signé le traité fondateur de l'Europe. L'image du chef du gouvernement de la Turquie (pays à majorité musulmane et l'un des trois pays candidats aux côtés de la Bulgarie et de la Roumanie à l'entrée dans l'Union) ainsi que son ministre des Affaires étrangères apposer leur signature sur le seul acte final de la Constitution, sous le regard amusé du pape catholique, a fait dire à certains que la perfidie italienne a encore frappé. Le gouvernement italien, qui avait échoué dans sa tentative de faire signer la Constitution durant la présidence italienne de l'UE, qui s'était conclue en décembre 2003, tenait beaucoup à ce que cette dernière le soit dans la capitale italienne. La diplomatie italienne avait achoppé sur deux points principaux, le premier concernant le vote double majoritaire auquel s'étaient opposées l'Espagne et la Pologne et le désir des petits pays membres d'avoir chacun un représentant dans la Commission européenne. Une fois la Constitution signée, les représentants des 25 pays membres ont salué tour à tour le président de la République italienne Carlo Azegli Ciampi, le président de la convention, le Français Valéry Giscard d'Estaing, l'ancien président de la Commission européenne Romano Prodi et le président du Parlement européen. Le président du Conseil italien a affirmé que « l'utopie est devenue réalité ». L'autre image impressionnante de cette cérémonie était celle des petits pays européens, devenus membres depuis le mois de mai dernier, comme la Lituanie avec ses 2,4 millions d'habitants seulement, l'Estonie ou encore Malte : signer la Constitution aux côtés de grands pays comme le Danemark, qui a gardé sa couronne danoise. La Croatie, membre observateur uniquement, a eu le privilège de lire une déclaration verbale qui exprime sa candidature à l'adhésion à l'UE.