Les parties au conflit du Sahara-Occidental reviennent à la table des négociations. Maroc et Front Polisario répondent à une invitation de l'ONU, une vieille invitation à vrai dire, mais réitérée en avril dernier dans sa dernière résolution sur ce conflit qui dure depuis 1975 quand le Maroc a envahi ce territoire. C'est donc un retour et rien de plus, car les premières négociations qui avaient eu lieu souvent dans le plus grand secret ont abouti, dans un premier temps, à ce qui allait devenir le plan de paix de l'ONU de 1988. Cette fameuse résolution 890 par laquelle les deux parties avaient décidé de faire la paix en optant toutes les deux pour le principe de la libre expression du peuple du Sahara-Occidental. Celui-ci devait, dans le cadre d'un référendum d'autodétermination, opter pour l'indépendance ou le rattachement au royaume du Maroc. Le plan de paix sera alors endossé par l'ONU qui s'empressera alors de le mettre en application. C'était en septembre 1991, et du plan en question, seul le cessez-le-feu sera appliqué, car, entre-temps, le Maroc a littéralement changé de position, après avoir acquis la certitude que les Sahraouis voteront pour l'indépendance. Le blocage persistera jusqu'en 1997, quand le secrétaire général de l'ONU, qui venait d'accéder à ce poste, avait chargé l'ancien secrétaire d'Etat américain James Baker de « remettre sur les rails le plan de paix de l'ONU ». James Baker y parviendra en relançant le plan de paix avec la fin du processus d'identification du corps électoral sahraoui que le Maroc tentera de pervertir en inondant les enquêteurs de centaines de milliers de recours qu'il savait irrecevables, car ne remplissant pas les critères retenus et auxquels il avait lui-même souscrit. Ce sont les accords de Houston de septembre 1997, également endossés par l'ONU. Il y eut d'autres rendez-vous avec à l'ordre du jour, l'idée farfelue de troisième voie à laquelle, à vrai dire, nul, y compris parmi les alliés du Maroc, ne croyait, car elle prévoyait tout simplement la perpétuation du fait accompli colonial. C'était à Berlin en 2000. Quatre années plus tard, James Baker, qui avait fait preuve de perspicacité, démissionnait de son poste en signe de protestation contre le blocage marocain et l'inertie de l'ONU. Près de sept années se sont écoulées depuis la dernière rencontre sous les auspices de James Baker. Son successeur à ce poste, le diplomate néerlandais Peter Van Walsum, prend en main ce dossier, avec la reprise aujourd'hui, près de New York, des négociations. L'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara-Occidental, Peter Van Walsum, va accueillir une rencontre de deux jours dans une résidence privée luxueuse à Manhasset, dans la banlieue de New York, pour donner le maximum d'intimité à ces discussions très sensibles, ont indiqué des diplomates. L'ONU a aussi invité des représentants des pays voisins (Algérie et Mauritanie) ainsi que le groupe des amis du Sahara-Occidental (France, Grande-Bretagne, Espagne, Etats-Unis et Russie), mais ceux-ci ne prendront pas part aux discussions. La délégation marocaine de haut niveau sera conduite par le ministre de l'Intérieur, Chakib Benmoussa, et comprendra le secrétaire aux Affaires étrangères Tayeb Fassi Fihri. La délégation du Front Polisario à Manhasset sera conduite par le président du Parlement sahraoui, Mahfoud Ali Beïba, qui sera accompagné de MM. Mhamed Khadad, Brahim Ghali, Boukhari Ahmed, Bechir Sghaïr et Sidi Oumar, tous membres de la direction du Front Polisario. Il s'agit de la même délégation qui a pris part aux négociations de Houston de 1997 avec le Maroc, sous les auspices de James Baker, alors envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU au Sahara-Occidental. On connaît donc les délégations, mais pas la nature des négociations. Seront-elles directes ?, se demande-t-on. La réponse se trouve dans la résolution 1754 du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée le 30 avril dernier, qui a appelé les deux parties à engager « de bonne foi et sans conditions préalables », des négociations directes, sous les auspices de Ban Ki-moon, « en vue de parvenir à une solution politique juste, durable, et mutuellement acceptable qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara-Occidental ». En tout état de cause, le Front Polisario effectue le déplacement américain avec beaucoup de conviction, mais se montre réservé sur l'attitude du Maroc qui, en ce qui le concerne, a déclaré qu'il entendait « tourner la page » lors des prochaines discussions sur le Sahara-Occidental. Dans une lettre au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, le président sahraoui a affirmé que le Front Polisario engagera avec une « volonté sincère » les négociations avec le Maroc, en vue de la « décolonisation du Sahara-Occidental ». « Le règlement juste de ce conflit qui a trop duré renforcera la crédibilité de l'ONU, consolidera les valeurs de la justice et du droit international et confortera la paix et la stabilité dans la région » de l'Afrique de l'Ouest, a affirmé le président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). « Nous y allons avec beaucoup d'optimisme et avec la volonté de définitivement tourner la page », a dit, quant à lui, le porte-parole du gouvernement marocain, Nabil Benabdellah. « Nous espérons que tout le monde affichera le même esprit positif et respectera la dernière résolution de l'ONU qui appelle à des négociations directes de bonne foi et sans préconditions », a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse à Rabat. Toutefois, ce responsable fait une lecture partielle et incomplète de cette résolution laquelle, rappelle-t-on, appelle à des négociations en vue de l'autodétermination du peuple sahraoui. Un rendez-vous a donc été pris le 30 avril dernier. Il est important, en ce sens qu'il permet une mise à plat et prendra acte de nouveaux engagements en vue d'appliquer ce qui a été convenu et rien d'autre, c'est-à-dire la libre expression du peuple sahraoui ou rendre justice à ce dernier. En ce qui le concerne, le Conseil de sécurité a demandé au secrétaire général de l'ONU de lui présenter, d'ici au 30 juin, un « rapport sur l'état de ces négociations sous ses auspices et des progrès réalisés » et a exprimé son « intention de se réunir pour recevoir et examiner ce rapport ». Là est un élément nouveau, contrairement aux précédents cycles de négociations. A suivre donc de très près.