Le président de la République reçoit la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    Autoroute est-ouest: le péage non inclus dans le programme du Gouvernement    Port d'Oran: plus de 8 millions de tonnes de marchandises traitées durant les neuf premiers mois de 2024    Pêche: faire émerger de nouvelles filières de valorisation des déchets portuaires    ANP : reddition de 2 terroristes à Bordj Badji Mokhtar et arrestation de 6 éléments de soutien aux groupes terroristes    Constantine: coup d'envoi d'une compétition ornithologique    Tébessa : coup d'envoi dimanche des 3èmes Journées du court métrage    Oran: mise en exergue des facilités douanières dans le domaine de l'agro-alimentaire    Foot/ Qualif's-CAN 2025: Amine Gouiri, troisième meilleur buteur avec 4 buts    Le président de la République préside la cérémonie de prestation de serment de la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    Dopage/Colloque international: l'Algérie a mis sa législation en conformité avec la réglementation internationale    Sondage "Brahim Dahmani-2024": l'APS publie la liste des athlètes proposés pour les différents prix    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 43.985 martyrs et 104.092 blessés    Attaf reçoit un appel téléphonique de son homologue iranien    Liban: 3 544 martyrs et 15 036 blessés depuis le début de l'agression sioniste    Plus de 300 milliards de cts de factures impayées détenues par ses abonnés    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    L'Algérie met l'accent sur l'innovation et le soutien aux jeunes entrepreneurs    USM Alger-ORAPA United : Le Gambien Lamin N Jammeh au sifflet    Les 21 qualifiés pour la phase finale pratiquement connus    CAN-2025 U20 (Zone Unaf) : L'Algérie et l'Egypte se neutralisent    Le potentiel, considérable, de la croissance des exportations hors hydrocarbures mis en avant    Bendjama convoque le Conseil de sécurité aux actes au Moyen-Orient    La méthode Michel Barnier    Ouverture du 8e Salon international de la récupération et de la valorisation des déchets    Mise en service d'une unité de dépistage médical scolaire et de suivi des élèves    Saisie de 3,5 g de cocaïne, deux arrestations à Djdiouia    Un pied dans la tombe et il veut emmener le reste d'entre nous avec lui    Un travail de lexicologues, une oeuvre de référence    Appel à porter plus d'intérêt au contenu des journaux publiés durant la période coloniale    Quand le hijab rencontre le kimono vintage    Mohamed Boukhari prend ses fonctions de ministre du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations    Guelma et Souk Ahras commémorent le 70ème anniversaire de la mort du chahid Badji Mokhtar    Touggourt commémore le 67è anniversaire de la mort en martyrs de Mohamed Amrane Boulifa et Lazhari Tounsi    «Dynamiser les investissements pour un développement global»    Le point de départ d'une nouvelle étape    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Salah Outekhdidjet, Un hôtelier héroïque
Publié dans El Watan le 06 - 08 - 2007

Une balle dans une nature morteD'un gabarit imposant, le visage étonnamment serein barré d'une grosse moustache, Salah Outekhdidjet, est un monument.
A lui seul, l'homme est une monographie parlante de l'histoire de la région, lui qui incarne dans sa chair toute la décennie rouge jijelienne. Salah Outekhdidjet est le propriétaire d'un charmant hôtel qui se trouve à la sortie de Ziama Mansouriah, et surplombant la plage d'El Ouldja. « Chobae est l'appellation romaine de Ziama », explique-t-il. D'ailleurs, dans les allées du jardin plantureux attenant à l'hôtel, vous ne manquerez pas de voir des pierres antiques. « C'est moi-même qui l'entretient », confie M. Outekhdidjet, un véritable homme-orchestre. Dans un coin, un magnifique saule pleureur avec un joli banc à l'ombre de ses branches pendantes. « Jusqu'à présent, je n'ai vu personne se reposer sous ce saule », relève-t-il. Et d'asséner : « La décennie 1990 a porté un coup dur à l'hôtellerie dans la région. » Il en est la preuve vivante comme l'atteste ce détail ô combien significatif : au fond de la réception, un cadre représentant une nature morte. Signe particulier : le tableau porte un impact de balle. La balle d'un fusil de chasse tirée par un terroriste. Derrière, une date : 01/01/1994 à 00h45. « Je suis né en 1954 et j'ai symboliquement tiré la première balle contre le terrorisme dans cette région », lance Salah sans forfanterie aucune. Nous le disions : Salah Outekhdidjet a plus d'une corde à son arc. Hôtelier racé, il est dans le métier depuis 1972. Il a fait Saint-Georges, El Aurassi, l'ex-Mazafran. Il a pris en gérance un hôtel rue Richelieu, à Alger. Il a été chef cuisinier aux Hammadites à Béjaïa. Il a même fait économe dans une base de Sonatrach. En 1984, il divorce d'avec le secteur public pour ouvrir un petit resto dans son patelin de Ziama qui devient très vite un lieu couru en dépit de sa rusticité. En 1987, Salah Outekhdidjet entreprend des démarches pour lancer un investissement touristique. « Je suis né ici, et mon père travaillait sur ces mêmes terres qui appartenaient à une Française. Il avait toujours rêvé de l'acheter. Je l'ai fait un peu pour lui », confie-t-il. Les travaux dureront de 1987 à 1992. Manque de pot, l'inauguration de l'hôtel coïncide avec le début de la violence terroriste. Dans la nuit du 31 décembre 1993, en plein réveillon, un groupe terroriste lance une attaque contre l'hôtel. « J'avais un fort pressentiment qu'ils allaient venir, mais par principe, j'ai résolu de fêter le réveillon z'kara », martèle l'hôtelier résistant. Salah sort son fusil de chasse ainsi qu'un ceinturon et se prépare. « A 00h02, ils ont coupé le téléphone. Un quart d'heure plus tard, mes sept chiens se sont mis à aboyer avec insistance. J'ai compris que c'étaient eux. » S'ensuit une fusillade. L'une des balles devait toucher ce tableau évoqué tantôt. « Je suis monté sur la terrasse et j'ai tiré deux coups. Ils ont pris un coffre avec de l'argent, des papiers, et ont pris la fuite à bord du véhicule d'un client », raconte Salah. Cette attaque sonnait le début d'une guerre féroce contre le terrorisme et ses multiples avatars. « J'ai mis un point d'honneur à continuer à ouvrir et travailler le plus normalement du monde. Les gens s'imposaient un couvre-feu à 16h. Moi, je partais faire la bringue à Tichy et je rentrais chez moi tard la nuit en me disant : ‘'El mout wahda !'' » Le 16 avril 1994, alors que Salah Outekhdidjet se trouvait à Alger, un groupe terroriste a mis le feu à une aile de l'hôtel après l'avoir pillé. « C'était une épreuve très dure mais il n'était pas question pour moi d'abdiquer. Je n'étais pas affecté plus que de raison. Tant qu'on est vivant, c'est l'essentiel », argue-t-il, prenant les choses avec philosophie. « Comme je n'avais pas de clients, j'ai résolu de changer momentanément d'activité. J'ai acheté une cinquantaine de moutons et me suis converti en berger. Je me disais : ‘'Siyaha wella filaha'' (tourisme, sinon, agriculture). » Oui. Pourvu que la roue du destin continue à tourner. Un jour de mai 1994, alors qu'il se trouvait avec un de ses intimes, son ami est assassiné dans son dos. « Là, j'ai quitté Ziama », concède Salah. Il se voit établir d'autorité un visa pour la France dont il n'était guère demandeur, insiste-t-il. Le 15 juin 1994, il débarque à Paris. Il y passera cinq ans. « J'ai vécu dans une misère noire. J'ai fait toutes sortes de petits boulots pour survivre », avoue notre hôte. Pendant ce temps, l'APC s'empare de l'hôtel et y installe une population de déplacés « en leur faisant comprendre que l'établissement était un bien vacant ». En janvier 1999, Salah Outekhdidjet rentre de Paris à genoux. Dans sa besace, 7000 FF en tout et pour tout en guise d'économies. « J'ai trouvé l'hôtel dans un état de dégradation avancé, si bien que je suis revenu au-dessous de zéro », se souvient-il. Loin de se laisser abattre, il se lance un défi : remettre l'établissement sur pied avant la saison estivale 1999 qui pointait. « J'avais appris à Paris le métier de peintre en bâtiment. Ça m'a servi. J'ai repeint l'hôtel moi-même. Je m'étais engagé à l'inaugurer en juillet. Tout le monde me prenait pour un fou, les anciens responsables municipaux me raillaient. » Comme le terrorisme persistait encore en dépit de la trêve unilatérale de l'AIS, l'armée fermait la route dès 19h. Les voyageurs venaient ainsi passer la nuit dans cet hôtel en chantier. Nous pouvons en témoigner pour y avoir fait escale dans ces mêmes conditions. « Cette conjoncture m'a permis de travailler un peu. Au début, je logeais gratis les gens de passage. Après, je prenais 300 DA la nuit, juste de quoi acheter un pot de peinture. Et en juillet 1999, j'ai ouvert comme prévu », exulte l'hôtelier militant. Défi relevé avec brio. Aujourd'hui, l'hôtel, entièrement rénové pour la saison estivale, est une pure merveille que l'on peut conseiller sans complaisance et sans commisération. Salah souligne qu'il ne veut pas du pack alcool-femmes « parce que je sais ce que cela ramène ». « J'ai même essayé de recruter des prostituées en leur offrant un travail honnête. Elles n'en ont pas voulu », ajoute-t-il. « Je préfère manger un petit croûton qu'une grande baguette sale », poursuit-il. Et de conclure : « L'argent ne m'intéresse pas, je veux laisser une histoire. » Lui qui a mangé du pain noir, il peut aujourd'hui se repaître de son joyau, taillé dans la fierté.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.