Bordj El Kiffan demeure un endroit attirant pour de nombreuses familles algéroises. Dès la tombée de la nuit, les abords de la rue Ali Khodja se transforment en aires de stationnement. Celles qui arrivent en retard sont astreintes à un rituel : faire un ou deux tours pour trouver un coin où garer sa voiture. Destination : plage de la Sirène. Des palmiers ainsi que des ficus qui s'élèvent majestueusement attestent que l'endroit fut très réputé autrefois. Ce qui n'est plus le cas actuellement. Les propriétaires de quelques échoppes aménagées près du rivage, pour la dégustation des glaces, guettent le moindre client. En voyant une famille s'approcher, un des jeunes gérants lance à l'adresse de son compagnon : « Pas de raï ! Mets un peu de châabi. Ça peut amener par là, quelques consommateurs ». En vain ! La nuit jette son voile sur les alentours. Sur l'étroite bande de sable, des familles se regroupent autour d'une table entourée. Profitant de l'obscurité, certaines femmes, interdiction oblige, gardent leurs longues tenues et décrochent une trempette inespérée en compagnie de leur progéniture. En remontant l'allée jonchée de sacs d'ordures, on atteint le boulodrome. Absorbés par le jeu, les pointeurs et les tireurs réussissent à chaque point, ovationnés par les mordus de la pétanque. Un peu plus loin, les quelques bars, qui ont échappé aux actes arbitraires, accueillent leur clientèle d'une manière décente. Retour vers la rue Ali Khodja. De part et d'autre de l'ex-rue de France, les terrasses, bordées par des ficus superbement alignés, sont suffisamment éclairées. Toutes les tables sont occupées par des familles, acceptant de vider quelque peu la bourse, pour se donner un air de vacances. Pendant que certains convives sont attablés autour d'un frite-merguez accompagné de brochettes, d'autres se contentent de savourer un hérisson ou un chocolat liégeois. Débordés par la demande, les serveurs s'affairent à satisfaire les clients. L'établissement Aliouat, qui vient d'être relooké, est le premier visité. L'espace réservé à la préparation des glaces est laissé ouvert, de manière à ce que le client soit rassuré sur la propreté des lieux. Des tableaux, représentant des lieux célèbres de Paris, trônent à l'intérieur du salon au sol d'un vert émeraude. Effet de pure coïncidence ou d'une réminiscence ? Cet endroit agréable de Bordj El Kiffan, Fort de L'eau pour les intimes, était surnommé autrefois Le petit Paris. Très optimiste, le gérant, vantant les mérites des spécialités des aquafortins, affirme que « l'établissement connaît chaque soir, une affluence considérable de clients. L'ambiance reprend à Bordj El Kiffan. Des familles algéroises et même celles qui viennent des villes limitrophes ont renoué avec ces terrasses qui leur permettent de passer des moments agréables en dépensant moins qu'ailleurs », a-t-il déclaré. Un client qui s'est présenté pour régler l'addition, a toutefois, remarqué : « Le tracé du tramway risque de nous priver d'une de nos destinations préférées. Les pouvoirs publics doivent préserver ces magnifiques ficus et cet endroit attirant et pleins de souvenirs tout en proposant un tracé adéquat pour le tram ». Le deuxième établissement visité est le fameux Iceberg. D'après le propriétaire, les prix des glaces n'ont pas augmenté, malgré les fluctuations qu'ont connues les produits laitiers. En effet, les prix proposés sur les menus, sont situés entre 70 et 250 DA. « Nous avons opté pour la quantité. Les familles modestes ne sont pas exclues de notre établissement, car nos prix sont abordables. Pour preuve, une famille d'Oranais de passage dans notre salon a eu l'agréable surprise de payer 700 DA. Elle s'attendait pourtant à payer le double », a-t-il précisé. Minuit, les terrasses se vident, mais certains clients, attirés par la fraîcheur nocturne et l'attrait de la discussion, demeurent encore rivés sur leurs chaises. Pourvu que ça dure !