lPlus de 4000 boulangeries ont changé d'activité au cours de ces toutes dernières années et presque autant s'apprêteraient à les suivre si des solutions ne sont pas rapidement apportées par le gouvernement aux problèmes de la profession, apprend-on du syndicat national des boulangers qui n'a de cesse d'interpeller les pouvoirs publics concernés sur cette épineuse question. Convaincu que son devoir s'arrête au seul soutien du prix de la farine de panification resté, il est vrai, inchangé depuis bientôt une décennie alors qu'il revient pratiquement au double à l'Etat, le gouvernement ne veut toujours pas comprendre que dans le prix de revient d'une baguette de pain, il n'y a pas que l'élément coût de la farine qui intervient. Du quintal de farine acheté au prix de 2000 DA, le boulanger ne peut en effet tirer qu'environ 200 baguettes de pain quand, évidemment, le produit ne contient pas, comme c'est malheureusement souvent le cas, des impuretés. A ce stade déjà, on constate que la marge brute du boulanger est très faible. Si faible qu'elle disparaît dès qu'on y inclut les charges inévitables que sont les salaires, l'énergie, l'eau, le sel, la levure et, bien entendu, les prélèvements obligatoires que constituent les impôts, les taxes et les cotisations sociales. En alignant tous ces postes de frais, on se rend à l'évidence, qu'il est impossible pour le boulanger de dégager le moindre profit. Pour pouvoir maintenir un tant soit peu son activité, le boulanger est alors contraint à la triche. Il prélèvera sur son quota de farine pourtant exclusivement destinée à la fabrique du pain, une quantité qu'il revendra en l'état à un prix supérieur ou utilisera pour produire des pâtisseries autrement plus rentables que le pain. Il est par ailleurs souvent contraint d'employer ses travailleurs au noir pour ne pas avoir à payer les cotisations sociales liées aux emplois déclarés. Mal payés, rarement déclarés, les travailleurs qualifiés ont préféré changer de métier mais, pire encore, ne sont pas remplacés par de jeunes recrues qui préfèrent se former dans des activités moins pénibles et mieux rémunérées. C'est toute la profession qui est de ce fait menacée de disparaître, si rien n'est rapidement fait pour la revaloriser. Une revalorisation qui n'aura pleinement un sens que dans la mesure où la profession de boulanger nourrit suffisamment bien son homme et lui permet de s'épanouir, comme c'est le cas dans pratiquement tous les pays du monde. Et, il est tout à fait regrettable qu'un métier aussi noble se soit à ce point clochardisé. Cri d'alarme du syndicat Les boulangers de « père en fils » détenteurs d'un réel savoir-faire ont pratiquement tous baissé rideau et les rares rescapés comme la famille Chaïb auront à l'évidence beaucoup de mal à tenir le coup eu égard aux nombreuses difficultés qui les attendent. Outre les hausses démesurées de prix qui ont affecté et affecteront chaque année un peu plus tous les facteurs de production sans exception (main-d'œuvre, eau, électricité, gaz, levure et sel), il est à craindre que la hausse, déjà annoncée, du prix du gasoil (énergie utilisée par un nombre considérable de boulangers) ne mette la profession à rude épreuve. C'est un véritable cri d'alarme que le syndicat national des boulangers a lancé à l'adresse du gouvernement, malheureusement resté sourd à la détresse de la profession. L'Etat ayant pris le respectable engagement de maintenir le prix du pain à son niveau actuel, les boulangers demandent au gouvernement d'aller au bout de cette logique en prenant en charge les pertes générées par cette sujétion. Il peut être suggéré que les pertes subies par les boulangers leur soient compensées par l'Etat, forfaitairement ou sur présentation d'une évaluation périodique. Ce serait la manière la plus simple et, sans doute, la plus efficace, mais il est également possible de soutenir les boulangers en leur réservant un traitement spécifique autrement plus favorable en matière de prix de l'énergie, de l'eau et de fiscalité. Un traitement de faveur que le gouvernement ne consentira à accorder aux boulangers que dans la mesure où il prend conscience du péril qui menace la profession.