Les situations d'occupation ont toujours présenté de fortes similitudes. L'occupant fait tout pour rester dans le territoire qu'il occupe et ses alliés vont jusqu'à en faire une victime et présenter la partie opprimée comme étant à l'origine de tous les blocages. Ainsi en est-il du peuple sahraoui dont le tort est de rejeter le projet marocain qui ne figure dans aucune case du plan de paix de l'ONU accepté par les deux parties en conflit, le Maroc et le Front Polisario, et endossé à l'unanimité de ses membres par le Conseil de sécurité de l'ONU. C'était en 1990, et depuis cette date, le Maroc multiplie les blocages pour renier ses engagements. Sa dernière trouvaille est un plan dit d'autonomie que l'ONU a poliment rejeté au mois d'avril dernier, lui préférant des « négociations directes en vue de l'autodétermination du peuple sahraoui ». C'est la plus récente résolution (1754), en attendant un nouveau vote qui doit intervenir avant la fin de ce mois. Mais la bataille a déjà commencé vendredi et même les jours suivant la remise du nouveau rapport du Secrétaire général de l'ONU, appelant les deux parties à de réelles négociations en vue justement d'appliquer la résolution 1754. Il reste que les manœuvres tendent justement à contourner de telles propositions et surtout faire fi du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. C'est pourquoi le Conseil de sécurité de l'ONU s'est montré divisé vendredi sur la question du Sahara-Occidental, certains membres reprochant à d'autres de vouloir privilégier la proposition de règlement du Maroc au détriment de celle du Front Polisario. Lors de consultations, les quinze membres n'ont pu s'entendre sur un projet de résolution des Etats-Unis appuyé par la France, demandant aux deux parties de reprendre sans tarder leurs négociations directes sous les auspices de l'ONU, ont indiqué des diplomates. La recommandation paraîtrait comme une réécriture de la 1754, sauf dans ses considérants où le parti-pris apparaît de manière flagrante et dans le même temps, la culpabilisation des Sahraouis dont le seul tort est de revendiquer le droit à la justice. Effectivement, le désaccord au Conseil porte sur un paragraphe du projet de résolution qui, tout en « prenant note » des propositions distinctes faites par le Maroc et par le Polisario, « salue les efforts sérieux et crédibles du Maroc pour faire avancer le processus vers sa résolution ». La conclusion devient alors simple à tirer. L'ONU s'en trouverait éloignée de sa doctrine qui prône la libération, mais elle deviendrait un instrument au service des plus forts, puisqu'elle serait appelée à donner sa caution à des situations d'injustice, et c'est le sens à donner à ces propositions de « solution politique sous l'égide de l'ONU ». A l'issue des consultations de vendredi, l'ambassadeur d'Afrique du sud, Dumisani Kumalo, a accusé, sans les nommer, les Etats-Unis et la France de pencher pour la proposition marocaine. « Certains grands pays qui soutiennent le Maroc tentent de présenter la proposition marocaine comme étant plus importante que l'autre », a-t-il dit à la presse. « L'important c'est la négociation, nous voulons que les deux parties négocient sur la base des deux propositions qui ont été présentées au Conseil. Donc, toute tentative désespérée de présenter le plan marocain comme étant la seule réponse possible est une perte de temps », a ajouté M. Kumalo. On remarquera la manière avec laquelle le diplomate sud-africain a tenu ses propos. Il a tout simplement pris la presse à témoin et rompu avec le cadre strict de débat sans témoin. Selon Mhamed Khadad, coordinateur du Front Polisario avec la Minurso (Mission des Nations unies pour l'organisation du référendum au Sahara-Occidental), l'opinion dominante au Conseil lors des consultations a été que les deux plans rivaux devaient « être traités de manière équitable ». Mais il a exclu des négociations qui porteraient uniquement sur une proposition affirmant que « la souveraineté sur le Sahara-Occidental appartient au Maroc ». Ce qui est d'une extrême gravité, puisqu'à travers une telle formulation, l'ONU entérinerait un fait accompli colonial. Et rien d'autre.