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Quartier Zghara
Une colline oubliée
Publié dans El Watan le 27 - 11 - 2004

C'est un tombeau oublié ! » Zghara se résume-t-elle donc à cette expression, lancée à notre adresse par Mouloud, un de ses « enfants », la cinquantaine ? Le brave père de famille dont le père est également natif de ce village perché, en amont de Bologhine, est peu bavard.
Il dit préférer nous guider pour constater par nous-mêmes les dégâts causés par la « bêtise humaine », mais aussi les signes apparents de « l'ingratitude des décideurs locaux ». « Que voulez-vous que je vous dise ? Que nous souffrions du manque de transport public ? Du fait que nos pistes sont impraticables. » En dévalant la route où il est presque impossible de compter les nids-de-poule, « cette route qui a pourtant servi d'unique voie de circulation pour les secours lors des inondations de Bab El Oued », nous débouchons sur ce qu'était jadis Djenane Poul. Un jardin en forme de colline qui appartenait pendant l'occupation française à un certain M. Paul. Le très beau verger, quoique accidenté, n'existe plus que dans la mémoire des anciens. « C'était une sorte de forêt d'arbres fruitiers, comme le figuier ou le pommier et qui nous servait de raccourci quand nous allions à l'école. On ne s'empêchait pas, chemin faisant, de piquer quelques figues », se souvient, avec le sourire en coin, Mohamed dit Momo. La soixantaine, cet ancien chanteur chaâbi a « suspendu » son mandole (ndlr : instrument à cordes ressemblant à une guitare mais qui, semble-t-il, n'existe qu'en Algérie, notamment en milieu chaâbi) depuis des décennies.
EL HADJ EL ANKA Y FAISAIT HALTE
L'heure n'est plus à l'entrain, malgré cette ancienne tradition qui suggérait à chaque foyer de Zghara d'être paré d'un instrument de musique. El Hadj M'hamed El Anka (Allah yerrahmou), Boujemaâ El Ankiss, El Hachemi Guerrouabi, Amar Ezzahi, les regrettés Mériem Fekkaï, Fadila Dziria et le roi du genre zornadji, Boualem Titiche, animaient souvent des fêtes à Zghara. Leur passage, ici, leur servait en quelque sorte de test tant les mélomanes étaient légion. Il fallait tout simplement à ces artistes de renom le quitus de ce village dont la culture, propre aux gens du « fahs », était, de toute évidence, très raffinée (ndlr : en opposition aux « h'dar », les fahsis occupaient, durant la période turque, les parties extra-muros de La Casbah). Djenane Poul n'est aujourd'hui que désolation. Des bâtisses y ont été « plantées » au lieu et place du magnifique « éden » terrestre, dont la plupart des propriétaires, cependant, occupaient pendant des années, sur les mêmes lieux, un immense bidonville, aujourd'hui rasé.
UN TERRAIN DE FOOT POUR NOS ENFANTS
Reste une assiette, toutefois suffisamment grande pour en faire un complexe sportif. Le choix n'est pas fortuit puisque les « anciens » se remémorent encore les passionnantes parties (de foot) qui avaient lieu sur ce terrain. C'est l'unique terrain aplati de Zghara. Tous les « vieux » vous diront qu'ils y avaient, au moins une fois dans leur vie, touché au ballon. Le sport était une pratique courante dans les mœurs. « Nous implorons les décideurs de nous rendre cette portion de terre. C'est le dernier morceau qui reste. L'avenir de nos enfants y est lié », s'écrie Mouloud, étonnamment alerte malgré ses 49 ans. Ayant joué au Mouloudia d'Alger en tant que cadet, Mouloud invite ainsi l'APC de Bologhine, autorité dont dépend Zghara, de « lorgner » ces milliers de jeunes désœuvrés que seul le sport, avertit-il, peut sauver des griffes de la délinquance. « Nous sommes prêts à encadrer nos jeunes, dit-il, pour peu que les autorités, et pourquoi pas la direction de la jeunesse et des sports, injectent un peu d'argent afin de transformer ce terrain vague en aire de jeu. Le défi est jouable n'étaient les luttes intestines qui gangrènent l'APC de Bologhine. »
DEUX APC DÉFAILLANTES
Les habitants de Zghara ne sont pas dupes. Ils connaissent en détail ce qui se trame dans les arcanes du « sérail communal ». La dernière « réalisation » étant le retrait de confiance à l'actuel P/APC. « Nous ne voulons pas connaître les tenants et les aboutissants de ces guéguerres qui, d'ailleurs, n'en finissent pas. En revanche, nous savons que notre Zghara n'a jamais été au centre de leurs (ndlr : les élus) préoccupations », relève, dépité, un chômeur en pointant néanmoins le doigt vers l'une des « rares » infrastructures : « Une polyclinique qui attend toujours d'être ouverte au public. » Le prolongement de Zghara, en empruntant l'impraticable route située en amont de la cité Jaïs et qui, faut-il le souligner, est dépourvue de gaz naturel, relève de la compétence administrative de l'APC de Raïs Hamidou. La vie n'est pas plus rose malgré la végétation luxuriante du djebel. On se croirait dans les montagnes de l'Atlas blidéen ou quelque part en région médéenne. Pourtant, le centre de la capitale est à 4 km ; Bab El Oued n'en est qu'à 2,5. Ici, les gens ont raison de crier à qui veut les entendre que l'indépendance n'a pas encore atteint cette portion d'Alger. A l'exemple de cette famille qui vit ici depuis 65 ans. Le clan s'est agrandi, les enfants étant déjà pères de plusieurs enfants. Elle est pourtant considérée comme indue occupante d'un terrain public. Elle ne possède pas d'acte de propriété « alors que des nouveaux venus ont bénéficié de lots de terrain communaux avec la complaisance de la mairie ». Cette même mairie est encore montrée du doigt pour avoir « oublié » de reprendre les travaux d'une route qui devrait déboucher sur la route du littoral, entre Deux Moulins et Raïs Hamidou. L'enclavement de cette zone ne doit pas disparaître, semble décider l'autorité locale. Des décharges publiques sauvages infestent les lieux. Des rotations quotidiennes viennent y déverser toutes sortes de détritus, rendant l'atmosphère irrespirable. L'APC de M. Zaïoua ferme les yeux. Comme elle ferme les yeux à propos de l'installation d'un poulailler, à proximité des Korrih dont la présence sur les lieux date de plus de... 3 siècles.


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