Bouzid, Zina et le chat de Slim ont obtenu sans difficulté leur visa pour les USA. Certains vont regretter de ne pas êtres des personnages de bande dessinée. Mais bon, on ne peut pas tout faire. Il est déjà prenant de tenir un rôle dans la pièce tragi-comique que notre vie devient plus souvent qu'autrment. Notre bédéiste emmène son beau monde à la prestigieuse UCLA (Université de Los Angeles) où l'on sait tirer des choses sérieuses de celles qui le semblent le moins et où l'on ne pratique pas notre théorème national de confusion systématique entre le sérieux et la tristesse. Devant un aréopage d'universitaires, Slim présentera donc l'histoire de la bande dessinée algérienne qui se limite aujourd'hui à son passé. Dans une vie antérieure, il dessinait à Algérie-Actualités. Un jour, chargé d'illustrer un article sur l'aménagement du territoire, il présenta un simple contour de l'Algérie avec deux points aux extrémités. « Si ça ne t'inspire pas, laisse-tomber », lui dit le réd'chef, intrigué par la pauvreté de l'image. Slim retourna alors la carte, plaçant le nord au sud et inscrivant dans ce nouveau sens les noms d'Alger et de Tamanrasset près des points. Ce renversement cardinal à 180° était tout simplement génial. Ce n'était pas l'Algérie qu'il mettait à l'envers mais la vision que nous en avons. Ceux qui vivaient dans nos cités médiévales cernées de remparts, appelaient les autres « nass berra », les gens du dehors. La distinction, au départ factuelle, prit par la suite des connotations péjoratives. Ce langage parlé n'est pourtant pas si différent de celui des discours politiques, des rapports administratifs et même des articles de presse qui parlent de « l'intérieur du pays ». Comme si Alger et les grandes villes du Nord se situaient à l'extérieur ! Certes, on n'a pas pour l'instant trouvé d'expression plus pratique. Mais, s'il faut l'utiliser, faisons-le alors en connaissance de ses présupposés et de son point de vue marqué par une vision (et une réalité) centralisée de notre pays qui touche autant l'économie que la culture. Aussi, quand Khalida Toumi, lundi dernier, réunit les directeurs de wilaya de la culture pour annoncer un programme ambitieux d'équipements et de financement des activités sur tout le territoire, quand Boumerdès organise un Salon régional des arts plastiques, quand l'université de Biskra tient un salon national du livre, quand Sétif forme au théâtre et au slam, ou mieux, quand Maghnia voit s'ouvrir une galerie d'art privée, on ne peut que se réjouir. Se réjouir et signaler que, pour autant, les banlieues d'Alger, soit désormais les trois quarts de la capitale, et la plupart des grandes villes, demeurent des no culture's land. Slim devrait nous faire un remake de son fameux album, Oued Side Story.