Faut-il que tous les jeunes d'Algérie s'automutilent pour que les walis acceptent de les recevoir ? Faut-il que tous les jeunes d'Algérie saccagent les biens publics pour que les autorités constatent que le chômage est un mal profond ? Ce qui s'est passé mardi à Tizi Ouzou et à Gdyel, dans la wilaya d'Oran, n'est pas le signe d'une colère passagère, mais de quelque chose de plus profond. C'est l'image crue de la faillite générale d'un système politique incapable de retenir les leçons. Honteuse est la manière avec laquelle est traitée la grève des syndicats autonomes de la Fonction publique. Frapper des fonctionnaires sortis réclamer leurs droits est à mettre au chapitre lourd d'un pays qui malmène les libertés. Le wali de Tizi Ouzou, qui a ignoré les jeunes venus le solliciter pour un problème banal, est à l'origine d'un scandale national avec l'automutilation publique. Existe-il une raison, une seule, pour qu'il reste à son poste ? D'autres responsables, comme ceux de Gdyel, sont à l'origine du soulèvement des chômeurs à cause de la distribution douteuse de locaux destinés aux jeunes. La réaction des autorités ne sera — bien entendu — pas d'engager une enquête sérieuse pour sanctionner les fraudeurs, mais sera celle d'arrêter les émeutiers et les condamner à des peines de prison. La répression est devenue un langage automatique face à la furie des jeunes. Cette même répression donne du carburant au mécontentement populaire. Mais ceux qui décident n'ont rien vu. Comme ces procureurs de la République qui ne prennent jamais l'initiative d'engager des investigations sur les malversations entourant les dispositifs publics prévus pour lutter contre le chômage. Contrairement aux faux chiffres du ministère du Travail, le chômage n'est pas de 12 ou 13%. Les jeunes qui occupent les rues et qui n'ont pas de quoi se payer un café le savent parfaitement. Il en est de même pour les harraga toujours aussi nombreux. L'ENTV, qui a découvert le phénomène des harraga et qui a attendu « le courage » du président de la République pour en parler, a versé dans un discours moralisateur qui n'a eu aucun effet sur l'armée des sans-emploi. Sonatrach a engrangé 19 milliards de dollars à la fin mars 2008 seulement. Les caisses de l'Etat débordent d'argent. Où va tout cet argent ? En l'absence de contrôle efficace, il n'existe aucune réponse.