Le monde de la pêche européen est en crise depuis l'annonce faite vendredi par la Commission européenne de fermer prématurément, avant le 30 juin, la pêche au thon rouge en Méditerranée. Cette fermeture concerne les thoniers senneurs, de grands chalutiers qui pratiquent une forme de pêche industrielle, et comptent à eux seuls pour quelque 70% des captures totales de ce poisson dans les eaux européennes. Des centaines d'unités navales assistées par des avions et des satellites prélèvent quelque 550 tonnes par jour. « Cette mesure a été prise parce que nous savons que les quotas seront épuisés le 16 juin et c'est pour cela que nous arrêtons la pêche au thon rouge », a déclaré Nathalie Charbonneau, porte-parole du commissaire à la pêche, John Borg. L'ICCAT, l'organisme international qui répartit les quotas par pays, le SCRS, son support scientifique, les ONG de protection de l'environnement, les scientifiques et les experts de l'UE ont tous tiré la sonnette d'alarme sur la surexploitation qui mène directement à la disparition de cette espèce, traquée jusque dans le Golfe de Syrte (Libye), son unique lieu de reproduction. Le Fonds mondial pour la nature (WWF) a pour sa part réclamé vendredi des « mesures encore plus radicales » pour préserver l'espèce, comme une fermeture de la pêche sur plusieurs années et une réduction « drastique » de la flotte. L'Algérie épinglée par les ONG Le quota total annuel des pêches fixé par l'ICCAT pour la Méditerranée est de 32 000 tonnes. Avec les pêches illégales, il a atteint presque le double en 2007, soit 54 000 tonnes. « L'importance de la pêche illégale a été désignée comme une cause fondamentale du déclin de cette ressource », a-t-on encore déclaré, en précisant que « des mouvements et une activité hors du commun de remorqueurs tractant des cages flottantes de thon vivant ont été signalés ». L'Algérie est accusée par les ONG de contribuer à ces pêches illégales. Les autorités algériennes, le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques (MPRH) en l'occurrence, n'a pas été en mesure de donner avec précision les destinations des précédents quotas algériens qui s'élèvent, pour 2008, à 1460 tonnes avec probablement un bonus de 300 tonnes, comme cela a été accordé lors de la dernière session de l'ICCAT à Antalia (Turquie). Selon le MPRH, 7 thoniers algériens ont été autorisés à pêcher les 60% du quota national en 2008. Quatre de ces unités, en fait des sardiniers armés à la senne, venues d'Alger, étaient stationnées à Annaba durant la semaine dernière. Puis, instantanément, ces trois derniers jours, week-end algérien couplé au week-end universel, elles ont effectué trois sorties successives de quelques heures pour se rendre à 51 miles au large d'El Kala. Là, elles auraient pêché 430 tonnes de thon rouge renvoyées sur-le-champ vers la Turquie. L'équivalent des captures journalières de toute la flotte européenne. A titre de comparaison, les Japonais qui ont bénéficié d'une licence de pêche sur le quota algérien, avec toute leur armada composée de 12 super-navires bourrés d'électronique, d'avions de reconnaissance et dirigés vers les bancs par satellites, n'ont réussi à pêcher que 340 tonnes en 45 jours de pleine campagne en avril-mai. Car, il faut savoir aussi, et comme vous le dira le premier des pêcheurs rencontré sur les quais, il y a longtemps que le thon, grand migrateur, est passé au large d'El Kala. A moins d'un scénario bien concocté pour faire croire à des prises légales, il ne peut s'agir que d'une pêche miraculeuse. Et c'est comme cela chaque année.