e limogeage "injuste et arbitraire" de 75 juges tunisiens en mai constitue un précédent dangereux pour l'indépendance de la justice, a estimé lundi, à l'issue d'une enquête, l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW). L'ONG, qui s'est entretenue avec dix des magistrats limogés par le ministère de la Justice, officiellement dans le cadre de la lutte contre la corruption, a relevé que "les procédures disciplinaires injustes ont violé les normes internationales sur l'indépendance de la justice". "Ces limogeages constituent un précédent inquiétant et menaçant pour le système judiciaire de la Tunisie", relève l'organisation. Selon HRW, les juges ont été informés de leur limogeage sans qu'il ne soit motivé le jour où il a pris effet, le 28 mai dernier. La procédure d'appel était par ailleurs opaque, les personnes concernées n'ayant notamment pas eu accès à leurs dossiers. Des motifs individuels invoqués étaient d'autre part peu convaincants, selon l'organisation. Ainsi, l'un des juges explique avoir été limogé car il était endetté, tandis qu'un autre assure avoir été renvoyé car il buvait de l'alcool, ce qui n'est pas interdit par la loi. De nombreuses organisations, dont HRW, et une partie de la classe politique ont à maintes reprises relevé que le gouvernement tunisien, dominé par les islamistes d'Ennahda, disposait d'une influence sur le système judiciaire incompatible avec le principe d'indépendance de la justice. En cause notamment, l'absence d'un Conseil supérieur de la magistrature, l'Assemblée nationale constituante n'ayant pas adopté les textes nécessaires à sa création faute d'un compromis sur son indépendance financière et administrative par rapport au gouvernement. Sous le régime déchu du président Zine El Abidine Ben Ali, la justice était largement aux ordres de l'exécutif, et les autorités post-révolutionnaires, Ennahda en tête, ont promis de purger le système.