La « mission quasi impossible » commence pour le médiateur, révolté par le coût « ahurissant » du conflit, décidé d'explorer la dernière chance d'un règlement politique de la crise. Il sera assisté dans sa tâche, par le diplomate canadien, Mokhdar Lamani, désigné, à cet effet, par l'ONU pour diriger le bureau de Brahimi à Damas et assurer la liaison entre le médiateur, basé à New York, les autorités syriennes, l'opposition et la société civile. C'est en vertu de sa « grande expérience », acquise en tant que représentant de l'Organisation de la conférence islamique auprès de l'Onu (1998-2002) et comme émissaire de la Ligue arabe en Irak (2006-2007), que Lamani s'applique à prendre la mesure du dialogue interne et à poser les jalons d'une « mission complexe ». Dans un entretien accordé à Radio Canada, il a évoqué les trois dimensions qui caractérisent l'imbroglio syrien : la dimension locale, c'est-à-dire « les relations entre les Syriens eux-mêmes », la dimension régionale où les « intérêts des pays qui entourent la Syrie sont contradictoires » et, la dimension internationale où « il y a une division terrible au Conseil de sécurité ». Dans cette « guerre par procuration » où les armes et l'afflux des djihadistes font planer le syndrome libyen, l'interaction de ces trois dimensions brouille les perspectives de règlement de la crise. Que faire ? Un plan Annan amendé ? La fiabilité du scénario souffre, en matière de consensus, d'un double déficit : le dialogue interne, rendu difficile par « la fragmentation inimaginable » des protagonistes, représentés par l'opposition interne et extérieure, voire une ALS (Armée de libération de la Syrie) hégémonique, et l'arrêt des violences dont une « grande responsabilité » a été imputée au régime de Bachar El Assad. Mais, le poids des divergences des grandes puissances, dénoncées par Annan, continue de peser sur l'issue négociée de la crise. Si Brahimi a réfuté, d'emblée, toute intervention étrangère qui réduirait à néant une mission compliquée, le « devoir d'ingérence » a été brandi par le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, outre le large éventail des sanctions décidées, lors du sommet européen de Paphos (Chypre). L'esquisse européenne d'une intervention, censée pallier le blocage du Conseil de sécurité paralysé par le double veto sino-russe, est en marche. Elle est, toutefois, contrariée par l'initiative de Moscou qui a plaidé pour une approbation par le Conseil de sécurité de l'accord de génève, adopté le 30 juin par le Groupe d'action sur la Syrie et fixant les principes de la transition sans pour autant appeler au départ de Bachar El Assad. L'arme des sanctions qui « n'apporteront rien » est aussi rejetée par le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, dénonçant, lors de sa rencontre avec Hillary Clinton à Vladivostok où se tient le sommet annuel du Forum de coopération économique Asie-Pacifique, le caractère unilatéral des décisions américaines qui « prennent de plus en plus un caractère extra-territorial qui touche aux intérêts des entreprises russes ». Entre les grands, aux intérêts diamétralement opposés, le fossé ne cesse de s'élargir. « On fait des guerres interposées pour des considérations tellement lointaines de l'intérêt du peuple syrien. C'est ça la gravité de la situation », déclare, à juste titre, le diplomate canadien prenant le chemin de Damas.