En se souvenant des paroles de Jacques Brel, l'on est tenté de dire que les plages de «Verte Rive» et «Bateau Cassé», étaient désertes et dormaient sous juillet et si les vagues s'en souviennent elles vous le diront. Dix heures passées de quelques minutes, la plage Verte Rive est, déjà, passée au peigne fin. Cailloux, papiers, cannettes de limonade et autres emballages sont ramassés et mis dans des sachets spéciaux. Ils sont 17 agents de plages reconnaissables à leur dossard bleu turquoise sur lequel est écrit en noir APPL (Agence de Préservation des Plages du Littoral). Ahmed Hamri est le chef de service. Il a à son compte une dizaine d'années d'expérience dans le domaine du nettoiement des plages, notamment en été. Il dirige son équipe comme un coach de football. A 8 heures précieuses ils sont tous sur le terrain. Deux heures après, des sacs pleins à craquer sont amoncelés au bord de la route attendant le camion de Netcom. Auparavant, une petite formation est dispensée aux nouveaux agents. Ils sont tous chômeurs et habitent les environs. « A raison de 8000 dinars le mois durant la saison estivale, il y a de quoi s'occuper au lieu de tendre la main », dira Mohamed, le plus âgé des agents de plage. Le benjamin a à peine 18 ans. Ce dernier confie qu'il passe des vacances tout en ayant un argent de poche. En cette matinée, la plage est déserte. Et pour cause, les familles qui habitent la cité des 687 logements en face de la plage préfèrent venir après avoir mangé et piqué un somme. La grâce matinée et le soleil tapant fait que les riverains boudent la plage durant la journée. Ce n'est que vers 15 heures que la personne chargée de louer des parasols et des chaises qu'elle s'installe ainsi que le vendeur de thé à la menthe. «C'est un quinquagénaire d'Adrar, un fidèle depuis des années qui vient au même endroit proposer son breuvage dans des verres jetables avec des cacahuettes,», affirmera l'un des agents de plage. Ceux qui fréquentent cette plage se connaissent les uns les autres car ils habitent tous aux cités situées sur la grande route menant à la plage. Les «étrangers» sont vite repérés, indiquera un autre agent. En somme, c'est une plage familiale à plus d'un titre. Le poste de la protection civile est planté juste à l'entrée. Abderrahmane Lektitni est chargé de la sécurité. « Depuis le premier juin, aucune victime n'est à signaler » a-t-il indiqué. « Je chôme, en quelque sorte », ajoutera t-il en souriant. Avec 27 ans d'expérience, cet agent, flaire de loin le danger qui guette les inconditionnels de l'eau. Sifflet à la bouche, il rappelle à l'ordre les inconscients. En profitant de notre présence, il souhaite que l'APC tienne sa promesse en ramenant du sable à cette plage qui a la particularité d'être couverte de terre et de plantes sauvages. Sur le même chemin en allant vers Ain-Taya, la plage « Bateau Cassé » trône sur plusieurs mètres à perte de vue. Effectivement, elle porte bien son nom. Et pour cause, un bateau a bien échoué ici il y a plus d'un siècle. Seuls des madriers que le sel a rongé sont visibles sur la surface de l'eau. Et les moules et autres mytilidés ont élu domicile dont les chinois n'ont font qu'une bouchée. Sur le sable un fort a bien résisté aux vicissitudes du temps. Vide et abandonné, personne n'a été capable de lui donner son vrai nom. Certains disent qu'il a été érigé durant l'ère ottomane et d'autres supposent qu'il a été construit durant la colonisation française. En tous les cas, il mérite d'être retapé et classé monument historique au même titre que la Casbah et autres sites historiques, du fait de son architecture propre aux forts. A l'entrée de la plage, trois jeunes, au dossard et casquette jaune fluorescent, attendent les automobilistes dans le parking. Ce dernier est géré par l'Entreprise de Gestion et de Contrôle du Transport Urbain (EGCTU). Sid Ali 28 ans, Hamza 26 ans et Merouane 27 ans souhaitent travailler durant toute l'année et non seulement en période estivale. « Le reste de l'année on vit de petits boulots » a souligné Merouane en exprimant son désespoir. En traversant le parking, le poste de la protection civile est aussi grand qu'un grand container. C'est un espace conçu pour les surveillants de baignade et les plongeurs professionnels. Là aussi, aucun n'incident n'a été signalé depuis l'ouverture, le 1er juin, de la saison estivale. Sur le poste un drapeau orange est claqué par le vent. Malgré le nombre réduit de personnes présentes sur la plage, aucune n'a osé s'aventurer dans l'eau. Seule une maman avec ses deux enfants a choisi un petit rocher sur lequel, elle s'est assise en surveillant ses deux bambins qui barbotent dans l'eau.