Le Yémen, pièce maîtresse dans le dispositif américain de lutte contre Al-Qaïda, est dans une impasse totale.Jeudi, Abd Rabbo Mansour Hadi, son président, et Khaled Bahah, le chef du gouvernement, ont jeté l'éponge. Dans la lettre qu'il a envoyée au Parlement, Hadi explique sa décision par le déploiement d'Ansaruallah, les miliciens chiites dans Sanaâ, une ville qu'ils contrôlent depuis le 21 septembre. « J'estime ne pas avoir été capable d'atteindre l'objectif pour la réalisation duquel nous avions assumé nos responsabilités à la tête de l'Etat », soit mené à bon port « le processus de transition politique qu'on a voulu pacifique », écrit-il. Et d'ajouter : « nous avons souffert de nombreuses difficultés et de la réticence des protagonistes politiques à assumer leur responsabilité pour conduire le Yémen en eaux calmes ». Les spécialistes du Yémen expliquent la décision du président par les pressions des d'Ansaruallah. Parmi leurs conditions que certains qualifient de « rédhibitoires » : la nomination à des postes de haute responsabilités de leurs cadres, dont l'un comme vice-président. Le Parlement, qui doit se prononcer sur la démission du président Abd Rabbo, pourrait se réunir demain en session extraordinaire, selon Yahya al-Rai, son président, si les miliciens d'Ansaruallah qui contrôlent le palais présidentiel, encerclent le siège du Parlement et les résidences de hauts responsables, dont celle du ministre de la Défense Mahmoud Sobeihi et du chef des services de renseignement Ali al-Ahmedi, les laissent faire. Fort peu probable. Ils ont appelé hier leurs partisans à manifester pour marquer leur soutien aux « mesures révolutionnaires » qu'ils ont prises. Comme leur déploiement dans Sanaâ. Le Premier ministre a justifié quant à lui sa décision présentée par son porte-parole comme « irrévocable » par un fait : éviter que les membres de son cabinet puissent être considérés comme responsables de ce qui se passe et de ce qui se passera au Yémen. Selon les mêmes spécialistes, Bahah, dont le gouvernement a prêté serment en novembre, a cherché surtout en démissionnant de se démarquer du président Hadi qui aurait fait, estime-t-il, « trop de concessions à Ansaruallah.Le président Hadi s'était engagé mercredi à amender le projet de Constitution en échange du retrait des miliciens du palais présidentiel et de la résidence du Premier ministre. Quatre provinces du sud indépendant jusqu'en 1990, soit Aden, Lahj, Daleh et Abyane, ont décidé de refuser les ordres envoyés par Sanaâ aux unités militaires et aux forces de sécurité locales. Le comité de sécurité de ces provinces loyales au président Mansour Hadi qui affirme avoir pris cette décision après la démission du chef de l'Etat et du Premier ministre, a mis en état d'alerte les unités militaires des quatre provinces. Il a appelé aussi dans un communiqué, les civils à la vigilance. Les miliciens chiites vont-ils ouvrir la guerre avec la communauté sunnite ? Les Etats-Unis laissent entendre qu'ils observent la situation et continuent à soutenir une transition pacifique. « Nous avons exhorté l'ensemble des parties, et continuons d'exhorter l'ensemble des parties, à respecter (...) la paix et l'accord de partenariat national », déclare Jennifer Psaki, la porte-parole du département d'Etat. La Ligue arabe compte convoquer une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères des pays membres pour discuter de la dégradation de la situation politique et sécuritaire au Yémen.