La Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a estimé, hier, que le nouveau projet de loi sur la protection de l'enfance, adopté par l'APN, contient plusieurs points dans l'intérêt de l'enfant. Selon le chef du bureau de la protection de l'enfance et la prévention de la délinquance juvénile auprès la Direction de la police judiciaire, la commissaire divisionnaire Kheïra Messaoudène, la police a participé à l'élaboration de ce projet qui pourra assurer la protection des mineurs victimes des différentes formes de violence. Dans son intervention lors au forum de la Sûreté nationale organisé à l'occasion de la Journée internationale de l'enfance, l'officier supérieur de la police est revenue sur le contenu de ce projet notamment l'audition filmée des mineurs victimes de viol et d'attentat à la pudeur. « Les enquêtes sur la violence sexuelle sont très compliquées », a-t-elle expliqué. « On fait face à une victime fragile et traumatisée. L'audition filmée va éviter l'interpellation de la victime à chaque étape de l'enquête policière ou judiciaire. De même pour la présence de l'avocat lors de l'enquête dans une affaire où le mineur est victime ou auteur, cela permettra également la protection des droits de l'enfant et même de l'enquêteur », a-t-elle ajouté. La désignation d'un délégué national de l'enfance et la médiation sont par ailleurs des dispositions qui protègent l'enfant. « Ce sont les points forts de cette nouvelle loi », a ajouté la représentante de la police. Les chiffres sur la délinquance juvénile et les violences contre les mineurs sont inquiétants. « Il y a une démission parentale et familiale » Durant les quatre premiers mois de l'année en cours, 1.726 enfants ont été victimes de violence, dont 996 ont subi des violences physiques dont 246 filles, alors que 517 autres ont été victimes de violence sexuelle parmi eux 305 filles violées. Les services de police ont traité, durant la même période, 179 cas de maltraitance et 25 cas d'enlèvement. En ce sens, Mme Messaoudène a précisé que les 25 enfants enlevés ont été retrouvés sains et saufs par les policiers et remis à leurs parents. « Ils n'ont fait l'objet d'aucune agression », a-t-elle assuré. Six cas de coups et blessures volontaires (CBV) ayant entraîné la mort ont été traités par les services de police. Toutefois, les cas de maltraitance constatés sont inquiétants : 179 enfants ont été victimes de mauvais traitement en 4 mois. Les wilayas les plus touchées par la violence contre l'enfance sont Sétif, Alger et Constantine. En ce sens, la responsable a signalé que la criminalité a pris de l'ampleur dans la wilaya de Constantine ces trois dernières années « à cause de la création de nouvelles villes ». Le taux le plus faible a été enregistré dans les wilayas de Béchar, Tindouf et El Tarf. Par ailleurs, 1.914 enfants ont été impliqués dans divers délits, dont le vol suivi de CBV et de dégradation de biens. La conférencière a signalé l'ampleur du phénomène des mœurs dans le milieu des mineurs. « 120 mineurs ont été impliqués dans des affaires de mœurs dont 6 filles. Cette forme de criminalité est liée directement à la cybercriminalité », a-t-elle expliqué. Les wilayas les plus touchées par la délinquance juvénile sont Alger, Oran et Sétif. En conclusion, elle a appelé les parents à « apprendre à s'inquiéter pour leurs enfants. Il y a une démission parentale, familiale. Il faut aussi instaurer la culture du signalement », a-t-elle lancé. Le mariage « orfi » fait ravage Dans son intervention, le président du réseau Nada pour la défense des droits de l'enfant, Abderrahmane Araâr, a appelé les politiciens à œuvrer pour la prévention contre la délinquance juvénile et plaidé pour une prise en charge réelle de l'enfance. « Il ne faut pas voir l'enfance au travers des chiffres. Il faut mettre en place un système de prévention et de protection efficace. Il faut aller au fond du problème de l'enfance en Algérie parce que la situation est plus alarmante que les chiffres. Les projets de loi sur la santé et le code des procédures pénales seront bientôt examinés de même pour la Constitution où l'enfant doit avoir sa place », a-t-il souligné. Il est revenu également sur le projet de loi sur la protection de l'enfance. « Ce projet a duré 10 ans. Il va donner des réponses à la problématique de l'enfance. Mais comment appliquer cette loi sur le terrain ? Il n'y a pas de programmes éducatifs destinés à l'enfance notamment dans les médias. Les encadreurs ne sont pas formés », a-t-il déploré avant de mettre en garde contre le mariage « orfi » (à la fatiha, qui n'est pas officialisé) précisant que les enfants sont les premières victimes de ce mariage. « Ils ne sont pas reconnus et n'ont pas d'identité. On ne les inscrits qu'à l'âge de la scolarisation », a-t-il affirmé. Cellules mobiles d'intervention rapide L'organisation nationale pour la sauvegarde de la jeunesse a inauguré, samedi dernier, 48 cellules mobiles d'intervention rapide à travers le territoire national. « Il s'agit de bus équipés qui vont sillonner les quartiers populaires à la mémoire des enfants disparus », a déclaré le président de cette organisation, Abdelkrim Abidat, qui est revenu dans son intervention sur les dispositions prises pour la prévention contre la délinquance juvénile et la lutte contre la toxicomanie dans les rangs des jeunes à savoir les « psycho-bus ». Il a également précisé que la création du centre thérapeutique de vacances à Sidi Fredj est une première en Algérie. « On a organisé aussi des sorties pour 5.000 enfants privés de vacances à la plage de Club des Pins, », a-t-il dit. De son côté, Nadia Aït Zaï, responsable du Centre d'information et de documentation sur les droits de l'enfant et de la femme, a plaidé pour une communication qui s'adresse à l'enfant comme personne et citoyen. Elle a insisté sur la nécessité pour les parents, les médias de connaître la convention des droits de l'enfant. « Nous avons rédigé un manuel de formation pour informer le public à ce sujet », a-t-elle précisé.