L'Angleterre, berceau du rugby, accueille la 8e édition de la Coupe du monde pour 44 jours de compétition. Le XV de La Rose a ouvert « sa » Coupe du monde hier soir face aux Fidji à Twickenham. Les All Blacks se présentent en grands favoris. Le rugby à la folie. Quarante-quatre jours en ballon ovale. Dans le pays, l'Angleterre, où ce drôle de sport, mélange de grâce et de fureur, de force et d'intelligence, a vu le jour il y a presque deux siècles. Un sport aux règles complexes et aux codes mystérieux. Où la fraternité règne dans les tribunes tandis que les joueurs partent au combat, s'éprouvent, se font mal. Mais se respectent. Toujours. Fraternité et respect, quelques-unes des valeurs, souvent moquées par les envieux, parfois écornées par les dérives du professionnalisme, mais encore vivaces. Pour en faire toute la singularité. C'est sans doute ce qui explique que le rugby — qui n'est pas à un paradoxe près avec son ballon qu'il faut se passer en arrière pour aller de l'avant —, pratiqué par une minorité sur la planète, s'apprête à séduire plus de 2 milliards de téléspectateurs, installé sur le podium des grands événements sportifs, derrière la Coupe du monde de football et les jeux Olympiques. Les chiffres donnent le tournis : 3 milliards d'euros de retombées économiques pour l'Angleterre ; 2,3 millions de billets vendus ; 500 000 supporteurs étrangers attendus... Ils pourraient faire craindre que le rugby soit en train de vendre son âme. Que la légende épique, qui conte depuis si longtemps ses exploits et ses excès, ne soit bientôt plus nourrie. Mais le mythe perdure, la magie opère toujours. Les populaires All Blacks et les Anglais détestés de tous leurs adversaires. Les arabesques des Fidjiens et la brutalité des Tonguiens. Le fighting spirit irlandais et la férocité des colosses sud-africains. Les larmes des Argentins à l'heure de l'hymne. La bravoure des petits défiant les géants. Pour l'honneur. Les secrets de la mêlée. Les plaquages qui claquent. Les ailiers aux courses folles. Les buteurs à sang-froid. Et les imprévisibles Français. A l'heure des pronostics, les tenants du titre vêtus de noir paraissent sans rivaux. La Nouvelle-Zélande sera, c'est écrit, la première nation, en huit éditions, à conserver son bien. Sauf que, tous les quatre ans, les All Blacks s'avancent en immenses favoris. Pour, finalement, échouer dès qu'ils quittent le pays du Long-Nuage-Blanc, là où ils ont glané leurs deux couronnes, en 1987 et 2011. Qui, alors, si ce n'est pas eux ? L'Angleterre sur ses terres ? Ce XV de la Rose, seule équipe de l'hémisphère Nord à avoir inscrit son nom sur le trophée Webb Ellis ? Le talent est présent. Mais l'équipe de George Ford, tendre héritier de Jonny Wilkinson, manque d'expérience et n'est pas à l'abri de succomber à la pression de tout un peuple poussant derrière elle. L'Australie et l'Afrique du Sud, deux sacres chacune ? Elles ne seront pas loin. Comme souvent. L'Irlande, pour ruiner les bookmakers et faire la fortune des audacieux parieurs aux cheveux couleur de feu ? Reste l'impossible : un triomphe du XV de France, le 31 octobre prochain à Twickenham. Mais c'est oublier qu'impossible n'est pas français. C'est faire peu de cas de ces trois finales disputées par les Bleus (1987, 1999, 2011) alors que le navire prenait l'eau.