Pari gagné pour les autorités de transition burkinabè qui ont pleinement tenu leurs engagements en faveur du « retour à l'ordre constitutionnel normal » matérialisés par la démission du gouvernement dirigé par le lieutenant-colonel Isaac Zida et du Conseil national de transition (CNT), conformément à la feuille de route établie. En présence des chefs d'Etat de Côte d'Ivoire, du Mali, du Niger, du Sénégal et de Guinée, la prestation de serment et d'investiture, prévue au Palais des sports de Ouagadougou 2000, marque un virage important pour le retour à la stabilité célébré par les Burkinabè et la classe politique désormais unie par le défi de la démocratie et de la réconciliation. Plus de cinq mille officiels seront également présents à la transmission du pouvoir béni par les malheureux candidats à la présidentielle remportée au premier tour par Kaboré haut la main avec 53,46% des voix, bien loin devant son principal rival, Zéphirin Diabré (29,62%). La victoire incontestable a été saluée par la communauté internationale et reconnue par les perdants du scrutin de la légitimité qui, assurément, ferme la parenthèse tumultueuse de la violence et des coups d'Etat à répétition marquant la vie politique du Burkina Faso. Sur les 8 dirigeants qui se sont succédé depuis l'indépendance (5 août 1960) de l'un des 10 pays les moins développés, le nouveau président élu pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois est le second civil, après la destitution du premier président Maurice emporté lui aussi par une manifestation de rue. Le nouveau Burkina Faso démocratique est fondamentalement porteur d'un espoir de changement revendiqué par une jeunesse (les moins de 30 ans représentent jusqu'à 70% de la population) à la pointe du mouvement de protestation qui a mis fin au règne de Balise Campaoré et néanmoins frappé de plein fouet par le chômage massif endémique. Lors de la cérémonie de clôture de la dernière session parlementaire, le président du Conseil national de transition, Chériff Sy, a appelé à résoudrecette difficile « équation ». Mais, c'est surtout la soif de justice qui semble peser sur le mandat de Kaboré confronté à l'héritage contesté de son successeur, en exil en Côte d'ivoire et sous le coup d'un mandat d'arrêt international émis le 4 décembre pour son implication présumée dans l'assassinat, en 1987, de son prédécesseur, Thomas Sankara, lors d'un coup d'Etat qui l'a porté au pouvoir. Une demande d'extradition sera transmise dans les jours à venir à Abidjan, a annoncé, le 23 décembre, le directeur de la justice militaire burkinabè, Sita Sangaré. A l'épreuve de la refondation de l'appareil judicaire, les dossiers brûlants de Sankara et du journaliste Norbert Zongo, assassiné en 1998, planent sur un mandat de toutes les attentes. Le nouveau président Kaboré s'est engagé, au nom de la « vérité et la justice », à faire toute la lumière sur les victimes de la répression de l'insurrection anti-Campaoré et du putsch manqué du 16 septembre. Il a promis que « la justice suivra son cours jusqu'au bout ». Une vingtaine d'officiers, majoritairement du Régiment de sécurité présidentielle RSP, parmi lesquels le général Diendéré, poursuivi pour onze chefs d'inculpation dont celui de crimes contre l'humanité, ont été arrêtés pour été traduits devant la justice militaire. Les chantiers de la transition sont donc lancés autour du binôme fondateur de la dignité et de la justice.