Le quotidien français Libération a rendu, dans son édition d'hier, un vibrant hommage à Aït-Ahmed, ce dirigeant politique dont l'itinéraire « symbolise une valeur très ancrée dans la société algérienne : la résistance contre la domination ». Sous la plume de la journaliste indépendante, José Garçon, qui a couvert pour Libération, durant plus d'une décennie, l'Algérie et le Maghreb, le journal a consacré une page complète à cet « idéaliste, pragmatique et infatigable stratège d'une démocratisation de son pays ». Pour la journaliste, qui avait côtoyé le fondateur du Front des forces socialiste, Aït-Ahmed est « un long rêve de liberté et de démocratie » et « le visionnaire qui contesta, dès l'indépendance, le parti unique ». Brossant un portrait d'un « opposant irréductible », José Garçon estime qu'il a su mener « toujours de pair réflexion, pédagogie politique et action en proposant inlassablement des solutions politiques et pacifiques pour sortir de l'impasse ». « Parmi tous les événements qui ont jalonné l'itinéraire de cet animal politique qui ne conçut jamais la politique comme une carrière et qui a toujours préféré incarner la société que l'Etat », Aït-Ahmed, rappelle la journaliste, a été le premier à faire, durant les années 1990, de la paix « la priorité des priorités ». Elle n'a pas tari d'éloges à l'égard de ce dirigeant politique « hors norme » qui était « trop intègre, trop lucide, trop fidèle à ses convictions, trop dénué de complexes et de tabous » et pour qui le patriotisme (après la décolonisation de l'Algérie) est la démocratie. « Ce solitaire, qui se méfiait des mots comme si sa vie politique l'avait persuadé qu'ils servent avant tout à trahir, aura tout sacrifié à une Algérie dont il ne voulait retenir que le meilleur », estime José Garçon, rappelant que le défunt n'avait jamais renoncé à ses « rêves de vivre et d'aimer en offrant tout ce que je suis dans un nid silencieux, loin d'ici et d'ailleurs », comme il l'avait écrit en 2010. Hocine Aït-Ahmed est décédé le 23 décembre dernier à Lausanne à l'âge de 89 ans. Il sera demain dans son village natal à Aïn El Hammam, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Il sera rapatrié en Algérie aujourd'hui et une veillée de recueillement aura lieu le même jour à Alger au siège national du FFS. « un révolutionnaire intellectuel engagé » Le défunt Hocine Aït-Ahmed était un « révolutionnaire intellectuel engagé », ont témoigné, hier, à Alger, des moudjahidine ayant côtoyé celui qui était un des membres qui ont déclenché la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954. Intervenant au forum d'El Moudjahid, à l'occasion d'une conférence-débat organisé par l'association Machaâl Echahid, Mohamed Khane, ancien membre du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), a qualifié Aït-Ahmed de « révolutionnaire intellectuel » qui était « un des premiers à appeler à la création du GPRA ». Il a également mis en exergue le côté intellectuel du défunt qui a, à son actif, plusieurs publications, dont une thèse de doctorat en sciences politiques soutenue à Nancy sous le titre « L'afro-fascisme ». De son côté, le moudjahid Rabah Naït-Abdellah a fait observer que Hocine Aït-Ahmed avait toujours « insisté » sur la création d'un gouvernement provisoire, considérant que « le colonialisme français ne devait pas être combattu uniquement par les armes, mais aussi sur le plan diplomatique ». Dans ce sens, il a rappelé que le défunt avait représenté l'Algérie au congrès de Bandung en Indonésie, ce qui avait ouvert la voie à l'internationalisation de la cause algérienne, portée alors aux Nations unies, selon Naït-Abdellah qui a côtoyé Aït-Ahmed au parti du Front des forces socialistes. Pour sa part, le moudjahid Mohamed Seghir Belalam a estimé qu'« il ne faut jamais cesser de rendre hommage à Aït-Ahmed et à ses autres compagnons qui sont à l'origine du déclenchement de la glorieuse Révolution de Novembre », mettant en exergue « leur sacrifice pour que l'Algérie vive libre et indépendante ». Il a ajouté qu'Aït-Ahmed était un « zaïm » et avait joué un rôle « déterminant » dans la lutte contre le colonialisme.