Les géants de l'internet cachent plus leurs velléités d'aller sur le terrain de l'audiovisuel pour y imposer leurs nouvelles offres qui touchent généralement à toutes les filières de la chaîne ; ils jouent en fait sur leurs larges audiences et sur leurs capacités de partage pour présenter de nouvelles façons de faire et de consommer les images et les produits de la télévision.L'actualité de ces derniers jours est concentrée sur cette nouvelle annonce de facebook, dont le service de transmission vidéo a connu de nouvelles fonctionnalités : « Facebook a annoncé plusieurs nouveautés pour son service « Live », un concurrent de Periscope. Mais c'est l'audience de YouTube et de la télévision qu'il vise », lit-on sur le site français http://lexpansion.lexpress.fr. Avant d'aller dans le détail de cette innovation, il est utile de souligner le succès enregistré justement par l'application Periscope, utilisée par un jeune Français de 25 durant le dernier mouvement de protestation qui a eu lieu à Paris, la nuit, contre le projet de loi sur le travail. Relatant l'imitative de ce jeune, le site metronews.fr écrit que « Rémy Buisine est curieux. Il a entendu parler de ça, alors il est venu, a vu, a tendu son smartphone à bout de bras, et diffusé ce qu'il se passait sur Periscope, application qui permet à chacun de suivre un événement en direct tout en le commentant ». Pour le journaliste de ce site, « Rémy filme ‘‘sans filtre'', un ‘'live sans parti pris''... Des heures de direct qui transforment la place de la République en une immense agora 2.0 ». L'application lancée par twitter a été révélée au Français à travers le buzz produit par le footballeur du PSG, Serge Aurier, lorsqu'il s'est payé la tête de son entraîneur Laurent Blanc traité de « flotte ». L'épisode de ce jeune à Place de la République a donné une nouvelle dimension à l'application, au point où, note metronews.fr, son compte a « littéralement explosé : pendant la nuit, son live a atteint un pic de 80.000 connectés, pendant les 4 heures de la retransmission. Près de 400.000 connectés au total sur la soirée ». Même le jeune s'est dit surpris. « En live, je voyais les connections qui n'arrêtaient pas de monter. J'ai compris qu'il se passait quelque chose », confie-t-il. Comme d'habitude, l'expérience a suscité un vif débat sur les conditions de production et de diffusion de l'information et sur le rôle d'intermédiation sociale des médias traditionnels. Il n'empêche que, pour le site metronews.fr, ce jour-là, « Periscope est devenu un instrument de mobilisation. Au point que, désormais, dans les décomptes matinaux des médias, les chiffres de la manifestation « physique » sont additionnés à ceux de l'audience générée par Periscope... ». Devant le déploiement d'innovations annoncé par facebook, on se rend vite compte que cette application est un petit service et que l'enjeu pour le réseau social est d'aller chercher les médias audiovisuels traditionnels sur leur terrain. « Avec ces nouvelles applications de vidéo live, la télé a du souci à se faire pour garder les « millenials », ces jeunes qui sont nés dans les années 2000 », indique http://lexpansion.lexpress.fr ajoutant que pour parvenir à son objectif, « facebook va hisser son application au niveau de Periscope, en ajoutant des commentaires et des emojis pour permettre aux spectateurs de réagir en direct, ainsi qu'un moteur de recherche et une carte des vidéos publiques ». Parmi les nouvelles fonctionnalités, des videos live sont proposées pour les groupes depuis une page « Evenement » de sorte à offrir aux usagers la possibilité d'en réduire l'accès à des amis ou personnes invitées. Un autre espace est consacré aux videos les plus populaires, accessibles aux utilisateurs qui pourront y repérer « celles susceptibles de les intéresser grâce à un classement par thèmes. Le spectateur d'une vidéo pourra aussi inviter ses amis à la regarder en même temps que lui », explique le même site. Il demeure entendu que l'usage des commentaires est une fonctionnalité importante puisqu'elle permet de réagir et de partager ses avis avec le reste des autres utilisateurs. Pour Fidji Simo, responsable de produit chez facebook, « la diffusion en direct est ‘'une évolution naturelle'' de la stratégie visant à offrir des contenus plus immersifs et interactifs aux utilisateurs », indique-t-elle sur le site ajoutant que l'application a reçu un bon accueil pour le moment, même au niveau des simples citoyens, « par exemple pour demander l'avis d'amis lors de visites d'appartements », qu'au niveau des célébrités. Les usages ont tellement évolué que des utilisateurs s'adonnent à de nouveaux comportements avec ces capacités de diffusion. « Sur Younow, autre service de vidéo en direct très populaire chez les jeunes, des ados ont pris l'habitude de filmer en direct leur quotidien le plus banal — et même de se filmer toute une nuit en train de dormir — ce qui ne refroidit pas l'enthousiasme de leurs fans », rapporte le site leparisien.fr Mais les personnalités du show-business sont également des usagers d'un type particulier : « Les célébrités l'adoptent beaucoup, avec beaucoup d'entre eux qui font des questions-réponses, des athlètes qui montrent leur entraînement, des chefs qui font des démonstrations de cuisine », affirme Fidji Simo. Sous le titre « Voir le réel sans filtre : les vidéos en direct des anonymes défient les télés », le site du quotidien français www.leparisien.fr retient dans la couverture de l'aventure du jeune Français les commentaires et leur impact sur le rapport avec les médias audiovisuels traditionnels. « Beaucoup de gens critiquent les chaînes d'information, notamment celles en continu. Certains partagent même mes vidéos en disant : « Voilà ce que les médias ne vous montreront pas, comme si l'objectif des chaînes de TV était de manipuler ou d'orienter l'information », expliquait ce jeune au site Rue89, repris par leparisien.fr qui reprend cette analyse du patron de Streamup, l'une des plateformes de direct les plus utilisées, selon qui « le succès de ces images en direct, qui se multiplient sur internet, doivent faire réfléchir les télévisions traditionnelles, dont l'audience baisse dans le monde. » Ce connaisseur des nouveaux modèles de diffusion en direct estime que « des formats télé ou internet habituels pourraient être réalisés en live », notant que « le direct est une nouvelle étape dans l'audiovisuel, après celle d'internet ». C'est pour cela donc que les grandes multinationales de l'internet ont décidé d'investir le créneau. Avec son application Periscope, twitter « a conquis plus de 10 millions d'utilisateurs, qui ont tourné plus de 200 millions de vidéos. Chaque jour, l'équivalent de 110 ans de vidéo en direct sont regardées sur Periscope », selon leparisien.fr Pour sa part, le champion du commerce électronique mondial, Amazon, a investi le champ du direct avec une plateforme appelée Twich, originellement conçue pour les jeux vidéo, avant de se diversifier. « Les internautes l'utilisent pour filmer des évènements, et Amazon vient de lancer une émission de mode en direct, « Style Code Live » à raison de 30 minutes par jour, et une chaîne de cuisine », rapporte le site du quotidien parisien Le géant de la recherche sur internet, Google, ne compte pas se laisser distancer sur ce marché et prépare sa solution, « avec une appli analogue pour YouTube, « YouTube Connect », qui, selon la presse américaine, sera lancée en mai », indique leparisien.fr, soulignant également que l'existence d'un « autre gros acteur de ce secteur émergent, la plateforme américaine StreamUp, qui revendique 20 millions d'utilisateurs par mois et « deux fois plus d'audience que Periscope et trois fois plus que Younow ». Innovation réussie aux plans technologiques et marketing, ces applications n'en demeurent pas encore fragiles au niveau de l'équilibre économique. Ne gagnant pas suffisamment d'argent, elles se lancent à la recherche de nouveaux modèles économiques. « Ainsi Streamup et Twitch permettent aux internautes de donner des « pourboires » : les « streameurs » les plus populaires touchent environ 250 dollars par heure, selon le président de Streamup », écrit leparisien.fr, évoquant un autre modèle de financement volontaire basé sur des accords conclus avec des télévisions traditionnelles. « Autre modèle de sponsoring, des accords avec des télés : twitter a passé des accords avec des émissions comme « The Voice » pour que les stars parlent dans les coulisses sur Periscope », avance-t-il.Les mutations imposées par les technologies numériques et le réseau internet au paysage audiovisuel tendent à lui imprégner de nouvelles tendances fondamentales qui placent les utilisateurs au cœur du paysage. Le blog collectif de France Télévision, http://meta-media.fr a ainsi consacré tout un dossier au mois de mai de l'année dernière dans lequel sont analysés les « 10 enjeux de transformation » du futur de la télévision et ouvre son papier par ce constat : « La télévision devient une expérience personnelle sur écrans individuels où les attentes, en matière de découverte, d'accès et d'expérience se transforment aujourd'hui très vite. » Toutes les implications de ce redéploiement sont ainsi passées en revue, pour dresser un état des lieux de cette « transformation numérique : côté production, diffusion et surtout consommation d'infos et de divertissements, tout déboule très vite, et en même temps. Les coutures ont lâché. Tout change avec rapidité et ampleur », peut-on lire sur ce blog où est souligné la première grande transformation, caractérisée par la désaffection des publics jeunes, résolument connectés et plongés dans cet univers numérique. « La TV pourra–t-elle survivre à la désaffection des jeunes qui pilotent aujourd'hui les usages ? », s'interroge le rédacteur du papier qui souligne que la vie des jeunes, « connectée empiète sur leur vie off line. Pour leur parler, il faudra utiliser leurs codes ». L'autre trait dominant de ce changement est la prédominance des écrans mobiles qui tendent à supplanter les traditionnels écrans de télévision. « Le mobile n'est pas un nouveau canal de distribution, un mécanisme à diffuser des contenus, un simple ajout, mais un tout nouveau monde. Un média de relation, de contexte, d'expérience, de personnalisation. Pas une technologie, mais un comportement ! », constate le blog qui ajoute que pour la télévision, le « défi est d'engager l'audience dans un monde ‘‘mobile first'' ». Le blog passe ensuite à cette « TV à la demande et personnalisée » où, ajoute-t-il, le web audiovisuel est en train de basculer du « search » (on cherche, mais on a du mal à trouver) au « push automatisé », pour finir par s'interroger : « Qui l'emportera alors de la programmation éditoriale, la recommandation sociale ou la prescription algorithmique ? » Les autres indices de cette transformation sont ensuite sériés, notamment les nouveaux formats de l'information, l'arrivée de nouveaux acteurs de la production audiovisuelle, pour finir avec ce monde de l'immersion où « le public a partout pris le contrôle de sa consommation d'images, n'est plus esclave de son guide des programmes, s'informe, se cultive et se divertit à ses conditions sans faire ce que d'autres ont décidé pour lui ! », indique le blog qui termine par cette prédiction : « Confrontée donc à la plus grande transformation de son histoire, la TV bascule - et pourrait bien se dissoudre - dans l'Internet vidéo mondial qui explose et est en train de l'absorber. »
