Ali Abdallah Saleh a beau recevoir Hillary Clinton à Sanaa, une première depuis 20 ans, s'engager à quitter le pouvoir à l'expiration de son mandat en 2013 et instaurer une république héréditaire en plaçant son fils Ahmed, annoncer le report des élections législatives prévues pour avril 2013, proposer des réformes et un dialogue à l'opposition, la protesta gagne en ampleur depuis quelques semaines. Au quatrième jour des manifestations non-stop, les Yéménites marchent sur le Palais présidentiel, place Sabiine, pour demander un changement de régime et la démission du président qui vient de promettre, après 32 ans à la tête du pays arabe le plus pauvre, d'ouvrir son bureau aux citoyens pour écouter leurs préoccupations et opinions. «Dans l'intérêt de la nation», dit-il remettant à plus tard sa visite prévue à la fin de ce mois à Washington. «Le peuple veut la chute du régime», crient, reprenant le principal slogan du soulèvement en Egypte, des milliers de Yéménites plus convaincus que jamais qu'ils finiront sous peu par voir Abdallah Saleh «dégager» comme Ben Ali et Moubarak qui ont tout accepté, tout cédé. L'appel par Sanaa à des centaines de «baltagias» pour les réprimer, l'encouragement des partisans du Congrès populaire général (parti au pouvoir) à organiser des contre-manifestations et l'usage de pistolets à décharge électrique Taser par les forces de sécurité, ne semblent pas «freiner» les Yéménites. Notamment les étudiants qui ont transformé leur université en épicentre de l'agitation antigouvernementale, les militants des droits de l'homme et les avocats qui dénoncent depuis fin janvier la «corruption généralisée». «Nous continuerons à manifester jusqu'à la chute du régime», disent-ils. Aden (sud) et Taëz (centre), deux autres grandes villes du pays, ont connu des manifestations similaires. Dans la première, des dizaines de femmes ont manifesté devant le siège des services de renseignement de la police, pour réclamer la libération de leurs fils. Comme à Sanaa, elles ont eu leurs lots de blessés dans des affrontements avec des partisans du pouvoir et des «groupes tribaux» payés rubis sur ongle pour mener la vie dure aux «protestataires» et à l'opposition formée par le Parti socialiste yéménite et le parti islamo-tribal al-Islah. Même si ces deux partis ont accepté de reprendre langue avec le pouvoir. Dans cette «guerre ouverte», le Président Saleh qui fait face aussi aux revendications sécessionnistes dans le Sud, Al-Qaeda, apparaît seul. Trop seul. Y compris au nombre des armes en circulation, deux fois celui des habitants. Abdallah Saleh n'est pas seul à faire face à une contestation qui ne faiblit pas et de plus en plus aux mains de la mouvance des Frères musulmans, les seuls à être organisés et à même d'aller en ordre de bataille pour les élections d'ici six à un an dans les pays actuellement en ébullition.