Le dégel des relations, entériné à Tachkent, la capitale de l'Ouzbékistan, a été consacré par la médiation entreprise par l'homme d'affaires et ex-ministre, Cavit Caglar, et le président kazakh, Noursoultan Nazarbaïev, qui entretient de bonnes relations avec Poutine et Erdogan. Les retrouvailles ont été également confortées par la dénonciation de Poutine du coup d'Etat avorté qui tranche nettement avec les réticences occidentales alimentant des tensions croissantes. Il a été l'un des premiers dirigeants étrangers à appeler au téléphone Erdogan pour condamner ce coup de force. A Saint-Pétersbourg, la première visite à l'étranger d'Erdogan est perçue par la partie turque comme « un départ à zéro » des relations bilatérales marquées du sceau du pragmatisme et de la realpolitik. « Nos pays sont des acteurs-clés dans la région et ils ont beaucoup de choses à faire ensemble », a souligné Erdogan. Pour la partie russe, la « rencontre d'une importance extrême » entre les deux Présidents, selon un conseiller du Kremlin, Iouri Ouchakov, prévoit le rétablissement « étape par étape, de l'ensemble des relations russo-turques ». Les divergences persistent toujours sur le règlement de la crise syrienne conditionnée, selon Erdogan, par le départ préalable du président syrien, Bachar Al Assad, que rejette fortement la Russie de Poutine. Mais dans une interview à des médias publics russes, Erdogan a reconnu que « la Russie est un acteur-clé pour l'instauration de la paix en Syrie », tout en soulignant que « ce problème doit être réglé avec des mesures prises en commun par la Russie et la Turquie ». Le chantier de la réconciliation est sérieusement lancé, au moment même où les relations privilégiées entre la Turquie et ses alliés de l'Otan ont connu une détérioration accrue. Washington, accusé de « nourrir et de protéger » le prédicateur en exil en Pennsylvanie, Fethullah Gülen, est même menacé de rétorsions. « Si Gülen n'est pas extradé, cela aura un impact défavorable sur les rapports » entre les deux pays, a affirmé le président Erdogan, qui a transmis des dossiers à charge aux Etats-Unis pour demander son extradition. A son tour, le ministre turc de la Justice, Bekir Bozdag, a prévenu que « si Gülen n'est pas extradé, les Etats-Unis sacrifieront les relations (bilatérales) à cause de ce terroriste ». L'effet de balancier n'est pas sans conséquence sur l'équilibre régional. « C'est un moyen de faire entendre que la Turquie pourrait se rapprocher stratégiquement de la Russie si ses relations avec l'Occident se dégradent. La Russie trouve aussi un intérêt à utiliser la crise entre la Turquie et l'Occident pour fragiliser la cohésion de l'Otan », note un ancien diplomate turc et expert au centre de réflexion Carnegie Europe, Sinan Ulgen. Erdogan est-il à la recherche d'autres options stratégiques ?