Baume n Dès le début de l'après-midi, les gens convergent vers ce quartier du 18e Arrondissement, pour s'y achalander en produits qui garniront leur table, mais surtout renouer avec «rihet lebled». Rien de mieux pour se consoler de la nostalgie du pays que de faire un crochet par Barbès, un quartier mythique du XVIIIe Arrondissement. Dès la sortie du métro, on est transportés dans un coin d'Alger. Les accents, engueulades, bousculades et même le temps qui y «coule» doucement évoquent cette particulière «atmosphère» des villes algériennes. Le carrefour Barbès est quotidiennement squatté par des dizaines de jeunes qui y vendent des cigarettes à la sauvette. C'est leur seul moyen de subsistance dans cette jungle de l'exil. Le ramadan ? «On s'invite, on s'entraide...», explique Hamid, originaire de Annaba, en France depuis quatre ans et dont les propos sont approuvés par ces amis. Barbès, c'est surtout le lieu du commerce, notamment en ce mois de ramadan. Fatiha, une veuve marocaine, prépare quotidiennement près de cent matlouâ qu'elle vend deux euros pièce, pour arriver à subvenir aux besoins de ces quatre enfants avec lesquels elle vit dans une précarité totale. Le ramadan est pour elle une véritable aubaine, comme d'ailleurs pour les dizaines de commerçants à la «sauvette» installés à même le trottoir et qui proposent aux passants des produits du terroir, tels du persil, des gâteaux traditionnels, des dattes à des prix abordables. Les acheteurs, eux, ne manquent pas. C'est le cas de Benchikh et de Rachid, rencontrés en train de faire leurs dernières courses du jour. «On a tout préparé à la maison et là, on est sortis acheter des gâteaux surtout «kalb el- louz», explique Benchikh, cet enfant des Trois-Horloges, un autre quartier mythique d'Alger. «On se croirait presque à Alger. On tombe sur de vieilles connaissances avec qui on discute de tout et de rien», poursuit son ami Rachid. El Hadj, originaire de Tlemcen, est «venu chercher la chorba» qui se monnaye à trois euros le plat à emporter. Son métier de transporteur ne lui laisse pas le temps de préparer lui-même son f'tour. «Alors, je me rabats sur cette solution rapide», ajoute-t-il. D'autres choisissent de manger carrément sur place. «Une demi-heure avant el-adhan, les restaurants sont presque pleins. Il faut dire que les prix sont extrêmement abordables. Un menu composé d'une chorba, un plat de résistance au choix et un dessert est proposé pour neuf euros», raconte Karim, restaurateur. D'autres encore se rendent à Barbès pour tuer le temps, comme Hamitouche, la cinquantaine, sans papiers, qui tous jours y rejoint des amis pour un brin de causette, prendre des nouvelles..., se rapprocher des siens. «On se sent presque en Algérie», confie-t-il avec une point d'amertume, de nostalgie. Le grand sujet du jour dans les petits cercles qui se font et se défont au gré des discussions, c'est la démission de Rabah Saâdane. Pendant que les uns commentent la nouvelle, une voix s'élève soudainement, celle d'un fan de l'EN : «Wallah, c'est la meilleure nouvelle depuis le début du ramadan.» Un attroupement s'en suit et chacun y va de son avis qu'il expose avec force passion, sous les regards médusés des passants. A l'approche de l'heure du f'tour, des fidèles d'un pas décidé gagnent en petits groupes les mosquées à l'entours. A la mosquée Khaled-Ibnou-Walid, situé rue Myrha, où les sous-sols ont été aménagés en grandes cuisines, des bénévoles s'activent pour préparer le repas de l'iftar qui sera servi au troisième étage.