Discussion n C'est une jeune comédienne au talent avéré et à la carrière théâtrale prometteuse. Elle a à son actif plusieurs pièces théâtrales dont Soliloque, Kalam, Nouzha Fi Ghadhab…. La dernière en date est Fawdha, une production du théâtre national. Adila Bendimerad est venue au théâtre par passion. Ayant eu une formation en littérature et en philosophie, elle affiche un fort intérêt pour l'art des planches. Cela l'a amenée à suivre, en parallèle avec ses études universitaires à Paris, une formation dans une école de théâtre : «Le théâtre des associés». Interrogée sur son passage de la littérature au théâtre, Adila Bendimerad répondra : «Cela s'est fait naturellement.» «Ce qui m'a motivée à m'investir dans le théâtre, c'est que déjà, en cours de littérature, on faisait de la critique d'art (cinéma, théâtre…). En plus, j'ai fait de la danse contemporaine. La scène, donc, c'est quelque chose que je connais depuis toujours, et elle m'attire depuis mon plus jeune âge.» S'exprimant, par ailleurs, sur le rapport entre la littérature et le théâtre, elle dira : «C'est qu'il y a plein de rapports : dans les textes, dans l'écriture, dans l'analyse… La littérature, contrairement à la philosophie, est un art : parce qu'écrire un roman est une expression artistique. Une création. Pour moi, le lien est naturel.» Adila Bendimerad, pour qui le théâtre a permis de vivre de belles expériences, des moments de rencontres et de partage, vit le théâtre naturellement et pleinement. «En fait, le théâtre, explique-t-elle, je le vis par renouvellement, c'est-à-dire il faut repartir toujours de zéro. Et c'est ce qui est un peu difficile dans la mesure où le théâtre, c'est vraiment accepter l'aventure pour réussir à s'épanouir sur scène. Et puis, parfois, on sature... Alors, il faut qu'on se remette en question. Le théâtre, je le prends comme un renouvellement tout le temps. Avec le théâtre, il faut que j'aille au bout d'une expérience, puis je redémarre pour être mieux encore.» Concernant sa dernière prestation dans Fawdha, Adila Bendimerad confiera : «En lisant le texte, j'ai choisi secrètement mon personnage, c'est un personnage qui m'a plu. Je l'ai choisi par instinct et le metteur en scène, Ahmed Lagoun, a exactement distribué les rôles à chacune des comédiennes. Donc, les personnages nous allaient toutes.» «Fawdha est une pièce que j'ai besoin de jouer plus encore, car c'est une pièce que je n'arrive pas à saisir dans son ensemble. C'est une pièce difficile dans la mesure où elle contient des monologues.» Dans la pièce Fawdha, qui parle de la condition de la femme, Adila Bendimerad joue le rôle d'une jeune fille qui fuit son douar... donc, les siens. Elle est tombée enceinte et de peur d'être égorgée, elle s'est réfugiée dans la ville, espérant échapper à son destin, à son drame. Elle interprète un personnage qui a su choquer et interpeller en conséquence le public. «L'image est violente, choquante : je suis enceinte... Je fume une cigarette sur scène, je frappe mon bébé, ça fait une mère indigne», dit-elle. Et de rétorquer : «J'ai entendu un silence dans le public qui m'a fait vraiment peur. Je me suis dit qu'il me déteste pour ce que je fais. Cela doit vraiment le choquer. Il est vrai que c'est la première fois où j'ai eu l'impression que le public est resté perplexe vis-à-vis de mon personnage. Je n'arrivais pas à comprendre ce qui se passait. Alors que d'habitude dans d'autres rôles, c'est beaucoup plus simple pour moi de ressentir ce que le public ressent. En jouant, je le sens. Et là, j'ai senti une espèce de silence de mort.» Adila Bendimerad, qui assure avoir donné le meilleur d'elle-même, expliquera : «Je pense qu'au fur et à mesure du temps, au fil de la présentation de la pièce, mon personnage prendra chair. Il évoluera. C'est d'ailleurs le plus beau rôle que j'ai eu à jouer cette année. Autant finir l'année sur cette note. Mon personnage est consistant. Beaucoup plus dur. C'est un personnage qui est dans l'urgence : cette fille qui est partie, a quitté son village, parce qu'elle va être égorgée. Elle est dans l'urgence, obsédée par l'égorgement avec le peur même de dormir.» C'est aussi un personnage de l'étouffement : il y a une scène où le personnage trempe sa tête dans l'eau. C'est vouloir se noyer, se taire, mourir dans le silence et le reniement de soi...