Temps - ‘El Gusto', un film marquant des retrouvailles de plus de 40 ans entre des musiciens algérois, juifs et musulmans, est sorti, hier, mercredi, en salle à Paris où il sera à l'affiche jusqu'au 17 janvier. Le point de départ de cette rencontre inédite à Marseille entre ces musiciens, séparés par les vicissitudes de la vie et la guerre d'indépendance nationale, est l'échoppe de Mohamed El-Ferkioui au cœur de la Casbah. C'est à partir du récit de ce chef d'orchestre dans les années 1950 qu'est née, chez la réalisatrice algérienne Safinez Bousbia, l'idée de rassembler, encore une fois, tous ces musiciens, pour la plupart, anciens élèves du maître de la chanson chaâbie, Cheikh Mohamed El-Anka. Et c'est d'abord au cœur de la Casbah dont «la moindre croûte de chaux parle chaâbi», comme le résume l'artiste Mustapha Tahmi, que la jeune réalisatrice va à la rencontre des ténors de ce genre musical, inventé au milieu des années 1920 au cœur de la Casbah d'Alger par le grand musicien de l'époque, El-Anka. Cheikh Ahmed Bernaoui, l'Hadi El-Anka, Abdelmadjid Meskoud et autre Mustapha Tahmi ont guidé les producteurs du film, pour la partie tournée à Alger. A Paris et Marseille, les témoignages nostalgiques de Robert Castel, Luc Cherki, Maurice El-Medioni et de René Perez, ont «déblayé» le chemin à Safinez qui décide de retrouver les anciens élèves de la classe de chaâbi créée par El-Anka, dispersés par la guerre d'indépendance et le rapatriement. La rencontre de ces musiciens donne naissance à ‘El Gusto', un orchestre de 42 musiciens réunis sur scène en 2006 au Théâtre national algérien, après un demi-siècle de séparation pour partager l'émotion et la joie d'une musique authentique, le chaâbi. ‘El Gusto' (mot d'origine espagnole intégré dans le dialecte algérois, signifiant passion, goût, plaisir ou encore la bonne humeur) est alors l'aboutissement d'un long chemin. En 2003, Safinez Bousbia, une jeune Algérienne de 30 ans, rencontre fortuitement le marchand d'une échoppe, dans la Casbah, qui lui raconte sa jeunesse et cette classe de chaâbi dont il faisait alors partie. Touchée, elle décide de retrouver les anciens élèves de cette classe dispersés par la guerre d'indépendance et le rapatriement : deux ans de recherche, puis deux ans de tournage ont été nécessaires à cette femme qui se découvre cinéaste. Un CD, ‘El Gusto' (Remarks Record/Warner Music) a été publié au début du mois.La troupe s'est produite les 9 et 10 janvier à Paris, deux concerts programmés pour accompagner la sortie du long métrage. Ces deux concerts ont réuni une bonne partie des musiciens du film (Rachid Berkani, Liamine Haïmoune, le comédien Robert Castel, fils du violoniste Lili Labassi... D'autres n'étaient pas de la fête : depuis le tournage en 2006 et 2007, quatre sont morts et deux gravement malades).