Accusation Yessaâd Z. est un jeune poursuivi pour usage de faux, fait prévu et puni par l?article 223 du Code pénal. Qu?a-t-il fait le pauvre malheureux pour être assisté par un gros calibre d?avocat et ce, devant l?intransigeante Nacera Zitouni, la juge de Chéraga ? Il a présenté à l?administration une fausse attestation de résidence. De nos jours comme toujours, c?est interdit. L?inculpé ne trouve pas les mots pour tenter une parade devant la sévérité justifiée de Bouhadja, le procureur, lequel requiert une peine de prison ferme de six mois appuyée d?une amende qui ira renflouer les caisses du Trésor. «M?dam la présidente, il faut que je vous avoue que j?avais un besoin vital d?un passeport et je?», dit-il avant d?être interrompu par la juge qui estime que l?établissement d?un tel document n?est pas un exercice titanesque. Elle n?arrive à suivre le pourquoi d?un tel délit que lorsque le détenu arrive à cracher le morceau : «J?ai une connaissance dans ce coin. Je n?allais pas attendre beaucoup de temps pour quitter le pays pour l?Europe.» Zitouni appuie sur le champignon et tend le piège : «Et pour le visa aussi, vous avez une connaissance, je suppose ?» Alors, là Yessaâd craque et oublie son statut immédiat : «Ah, non m?dam. Pour cela, y?a les euros qui ouvrent toutes les portes de Schengen.» Cette déclaration fait grimacer Me Djamel Fodil qui a alors adopté une autre stratégie de défense en vue de sauver le «gamin» gaffeur. Après avoir regretté que des milliers de jeunes avec ou sans qualification tentent encore en 2003, de vivre sous d?autres cieux pas forcément plus el dorad...esques, l?avocat décortique les termes de l?alinéa Un du 223, le conseil demande expressément l?indulgence du tribunal et effectue soudain une sortie comme seuls certains grands défenseurs sont capables d?en «pondre». «Madame la présidente, vous n?ignorez pas que tout ce qui se vend est taïwan. Les produits de luxe sont imités et arrachés. Le comble atteint même la mariée laquelle, pour le plus beau jour de sa vie, monte dans une cylindrée ornée de fleurs en matière? plastique. Que voulez-vous ? C?est ça notre siècle», récite-t-il en s?épongeant le front. La juge apprécie. Elle ne le dit pas. Elle ne le montre pas. Son visage reste fermé par la solennité. Me Fodil a fait mouche puisque son client rentrera chez lui en fin d?après-midi car ayant certes été condamné à six mois de prison, mais avec le bénéfice du sursis. Boutaba, le procureur, n?est peut-être pas content du verdict, mais il sait que l?inculpé a passé de cauchemardesques minutes debout à la barre?