Pillage - Les reprises dans la chanson sont une forme insidieuse de plagiat ou encore de piratage du produit artistique. La scène musicale algérienne est souvent, voire continuellement confrontée à ce phénomène qui, d'une part, nuit à la création et, d'autre part, porte préjudice aux auteurs en question. Quand l'auteur arrive à inscrire son œuvre, lorsqu'il s'agit d'une création inhérente à l'artiste en question, c'est une forme de protection, c'est-à-dire il est habilité plus tard à ouvrir des procédures judiciaires pour réclamer des droits s'il y a plagiat ou détournement, voire piratage. Mais, dans le cas contraire, si l'œuvre n'est pas enregistrée dans un organe chargé de veiller sur la protection des droits moraux et matériels des artistes, à l'exemple de l'Office national des droits d'auteur, cette dernière ne bénéficie d'aucune protection. Elle est sujette au piratage et au plagiat. Et nombreuses sont celles qui en font les frais, à l'exemple du patrimoine algérien qui, lui, fait constamment – et de manière impudente – l'objet de plagiat et de piratage. Effectivement, plusieurs vieilles chansons du patrimoine national sont continuellement reprises par des chanteurs qui, sans la moindre hésitation et sans le moindre scrupule, vont les déposer au niveau de l'Office national des droits d'auteur, les considérant comme leur propre création, sachant qu'ils n'ont rien créé et n'ont rien fait d'autre que reprendre ces chansons en les modernisant. «L'Office national des droits d'auteur va donc vérifier si ces chansons n'ont pas été enregistrées avant. Si elles ne l'ont pas été, ce sont ces ‘'repreneurs'' qui en seront les auteurs et ce sont eux qui bénéficieront (avec leurs ayants droit) du fruit de ces reprises», explique l'avocate Maître Fatima Benbraham. Et d'abonder : «Or ces chansons viennent du patrimoine national, et donc ce ne sont pas leurs chansons, leurs créations. Elles ne sont pas d'eux. Ils n'en ont créé ni la musique ni les paroles. Et pourtant ils sont allés se faire enregistrer et ils en bénéficient. L'on parle aussitôt de plagiat. Mais on ne peut le qualifier de plagiat véritablement que si on apporte la preuve que cette chanson appartient au patrimoine national. Et c'est là où l'on met à l'index le ministère de la Culture. Car nous n'avons pas une nomenclature des qacidate anciennes, et c'est regrettable, parce qu'on a énormément de poètes et de chanteurs qui ont fait de très belles chansons, qui ont été chantées, mais à l'époque il n'y avait pas de droits d'auteur. Donc ce sont des chanteurs qui n'ont pas été enregistrés, donc protégés.» - Maître Fatima Benbraham estime qu'aujourd'hui, le rôle des chercheurs quant au patrimoine culturel immatériel, «c'est justement de faire revivre ces chansons et de les classer au patrimoine national, ce qui diffère du patrimoine particulier de la personne». Autrement dit, si un chanteur fait une chanson et l'enregistre au niveau de l'Office national des droits d'auteur, l'on parle immédiatement de patrimoine personnel, et les droits qu'il aura sur sa création sont des droits privés, c'est-à-dire qu'il percevra de l'argent chaque fois que sa chanson sera exploitée par d'autres. Mais, dans le cas contraire, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'une chanson qui fait partie du patrimoine national, quand elle est rechantée, eh bien, il n'y aura pas de droits d'auteur pour celui qui la chante. «Il faut protéger le patrimoine national des plagiaires», lance-t-elle, et de souligner : «Dans tous les pays, c'est comme ça que ça se passe. Le patrimoine est considéré comme une valeur artistique. Il doit donc être protégé.» L'on déplore alors le manque de scrupules chez nombre de chanteurs ou chanteuses qui s'approprient des chansons relevant du patrimoine, toute honte bue. - Sami Bencheikh déplore que l'Office national des droits d'auteur et droits voisins soit confronté notamment au problème de moyens. L'établissement possède une quarantaine de contrôleurs qui sillonnent le territoire national pour lutter contre l'exploitation illicite des œuvres artistiques. Ainsi, les moyens sont minimes, l'effectif est réduit et les capacités de ces contrôleurs sur le terrain sont limitées. Par ailleurs, Sami Bencheikh, qui regrette que les gens n'arrivent pas à comprendre encore le mécanisme des œuvres-redevances des droits d'auteur, estime qu'un travail de sensibilisation sur cette question est nécessaire.