résumé de la 94e partie - Le docteur comprend que par peur du scandale, M. Boitard refuse l'autopsie de sa femme... Les gens auraient vite fait de parler d'empoisonnement, de vengeance même d'un mari trompé... Non. II n'était pas possible d'autoriser l'autopsie : sa situation de personnage en vue et de notaire bien considéré serait irrémédiablement compromise. Voilà ce qui l'a surtout retenu : la crainte du scandale ! Moi aussi... Je n'avais insisté la seconde fois que pour la forme, mais, au fond, j'éprouvais une impression de soulagement. J'ai commis à cette minute une faute professionnelle, que personne ne connaîtra jamais, mais que j'avais besoin de confier à ces feuillets pour soulager ma conscience. Maintenant, c'est fait : la preuve manuscrite de ma faute est là, noir sur blanc, sous mes yeux... Je puis la relire et j'ai au moins l'impression d'avoir été franc avec moi si je n'ai pas eu le courage de l'être devant les autres... Je continuerai à la regretter quand même pendant le restant de mes jours, cette faute, car je sais, depuis le soir où j'ai pris connaissance du journal de Marcelle Davois, que la belle Mme Boitard n'avait pas le moindre cancer et que mon diagnostic avait été sûr ! ... Je délivrai le permis d'inhumer. En quittant, cette fois, la maison du notaire, je pensais aux deux lettres... Je les relisais en mémoire... Comme elles étaient différentes de ton, ces lettres ! Celle, destinée à l'amant, était un adieu déchirant. Elle se terminait, je m'en souviens, par ces mots qui étaient plus qu'une promesse, qui étaient un désir inassouvi. «Nous nous retrouverons dans l'autre monde, et rien, ni loi ni mort, ne pourra plus nous séparer...» Celle qu'avait reçue le notaire exprimait la tendresse reconnaissante pour un homme ayant su se montrer bon et indulgent, pour un mari à l'égard duquel la femme nourrissait peut-être aussi dans son cœur un vague sentiment de mépris parce qu'il s'était montré trop faible. Mépris que les derniers mots de la lettre atténuaient en pitié. «Mon pauvre Jacques, vraiment je suis désolée en pensant à tous les ennuis que ma mort va t'apporter. Mais je te sais courageux, et bientôt, tu pourras refaire ta vie.» La vie de la belle Mme Boitard se résumait dans les deux lettres. Pour moi, la cérémonie funèbre, qui eut lieu le surlendemain, fut affreuse. Pour Marcelle Davois, qui n'a pas craint de confier ses étranges impressions dans son journal, il n'en fut pas de même... «Ce 29 juillet. — Je reviens de l'enterrement. Quel bel enterrement ! Toute la ville y était... Vraiment, dans le genre, on ne peut pas demander mieux ! Le temps était radieux : la nature s'était faite splendide pour dire adieu à «la belle Mme Boitard» qui ne sera bientôt plus qu'un squelette aussi hideux que les autres. «Souviens-toi que tu n'es que poussière...», dit la religion catholique : l'une des rares choses vraies qu'elle ait dites ! Donc, ils étaient tous là : le chanoine Lefèvre qui n'a pu résister au plaisir de faire sa petite oraison funèbre dans laquelle il a vanté les mérites de la défunte. Des mérites ? Plutôt des appas qu'elle a eu peur de perdre : la véritable raison du suicide !... Dans l'église, j'ai aperçu une statue de la Vierge ressemblant à celle que j'avais vue à Paris : la femme voilée de bleu tenait son enfant dans ses bras. Partout, elle veut le montrer à la foule ! (A suivre...)