Résumé de la 108e partie - Christiane n'admet pas que Denys fasse de l'ironie sur le dos de Marcelle, cette femme qui lui est entièrement dévouée. Tais-toi ! Si elle s'est tuée, c'était parce qu'elle avait réellement un cancer... — Puisque tu le crois toi aussi, je préfère m'en aller ! Bonsoir, ma chérie. Je reviendrai demain quand tu seras calmée. Et, pour la première fois depuis qu'elle était devenue ma femme de chair, je suis reparti sans qu'elle ait été ma maîtresse. Etais-je encore le docteur Fortier, apprécié de sa clientèle, et dont le nom avait grandi d'un seul coup parce qu'il avait eu le courage de créer l'un des premiers comités anticancéreux de l'Ouest ? Ou n'étais-je, au contraire, qu'une sorte de pantin se laissant manœuvrer par le premier venu ? Tantôt c'était ma maîtresse : tantôt l'archiprêtre... une autre fois, Berthet... ou bien mon assistante ? J'étais perdu ! Ce n'était pas ce soir-là, quand Christiane venait de se refuser à moi, que je pouvais avoir les idées nettes pour comprendre qu'en réalité je n'étais plus moi-même qu'un simple rouage de l'engrenage mortel construit par une femme démoniaque. J'étais comme tous ces braves gens qui faisaient partie du Comité j'appartenais au troupeau de Panurge qu'une fée malfaisante allait précipiter dans l'abîme et qui ne s'en apercevrait que lorsqu'il serait trop tard... Par exemple, quand Marcelle Davois avait déclaré pendant la réunion du Comité : «Le cancer se développe un peu partout. C'est surtout sa crainte qui augmente... Nous sommes là pour lutter contre elle !» j'avais trouvé qu'elle était à peu près la seule, parmi nous, à avoir du courage... Mon ancien patron, Berthet lui-même, ne m'avait-il pas dit : «Vous ne pourrez vous apercevoir que plus tard à quel point elle avait du cran.» Plus tard ? Mais je commençais déjà à m'en apercevoir ! Une femme extraordinaire, cette Marcelle Davois ! Ah ! Ce n'était pas elle qui se laissait impressionner par des statistiques comme ma pauvre Christiane ! Elle parlait du mal avec une telle sérénité qu'elle en devenait rassurante. Je ne me rendais pas compte qu'elle ne faisait qu'enfoncer le clou davantage et qu'à force de parler d'une chose sous prétexte de la détruire, on finit par lui donner une réalité effrayante dans l'esprit de ceux qui écoutent. On la rend plausible, vraisemblable, vivante... Après s'être attaqué à ma ville par la volonté implacable de Marcelle Davois, le cancer moral s'y développait en s'y multipliant à l'infini... L'aube libératrice dore de nouveau les glaciers. Une aube apaisante après cette deuxième nuit blanche. Si j'avais su - quand j'ai commencé ce travail le premier soir - qu'il prendrait un tour aussi pénible, je crois bien que je ne l'aurais pas entrepris ! Mais, à présent, je me sens entraîné par ce fil de récit qui se déroule régulièrement, par cet assemblage de souvenirs qui se mêlent aux tronçons du journal de mon assistante... (A suivre...)