Fantasme La semaine du cinéma européen se poursuit avec la projection, mardi prochain, à la salle Ibn-Khaldoun, de Satin rouge, une production française réalisée par Raja Amar. L?intitulé du film est suggestif, laissant soupçonner des images et, en conséquence, des fantasmes. Satin rouge, en tant que titre du film, fait profiler, ne serait-ce que par l?imagination, quelque séquence d?un film qui a pour champ d?action un quartier anonyme de Tunis. La réalisatrice ne donne pas la moindre indication, ne trace aucun profil du lieu où se déroule l?action. Celle qui est placée au-devant de la scène, c?est Lilia, mère d?une fille, Selma, une adolescente qu?elle élève seule depuis la mort de son mari. Lilia, aux yeux de son entourage, est une «femme rangée» et une mère ordinaire. C?est aussi une femme qui, seule, s?ennuie. Son histoire, voire son itinéraire, est assez singulier : Lilia devient, par un concours de circonstances, danseuse de cabaret. Tout commence lorsque, croyant sa fille à la dérive, elle se rend un soir dans un cabaret, où elle découvre ce mode fantasmatique, le monde de la nuit, de la danse et des désirs? Et de cette découverte fortuite, un nouvel horizon s?offre à elle, un univers attirant mais inquiétant. Inquiétant, parce que Lilia finit, peu à peu, par y prendre goût. Elle finit par ne plus être la même. Elle change de coiffure, s?achète de nouvelles chaussures? Et par la danse, Lilia, en redécouvrant ses désirs enfouis sous des années de devoirs, va basculer, sans avoir ni le pouvoir ni le courage de se contrôler et de se ressaisir. Et elle finit par s?assumer, assumer sa nouvelle existence lorsqu?elle range le portrait de son mari, le seul lien qui la rattache à lui, à sa vie passée. Satin rouge est, certes, une fiction, mais qui traite d?une réalité probable. C?est un regard critique posé sur une société tunisienne qui, à l?instar des sociétés maghrébines, renferme des désirs enfouis sous le poids de la tradition et des tabous. La société que raconte Raja Amar à travers Lilia est tiraillée par des fantasmes qu?elle cultive en secret, sur fond de frustration et d?hypocrisie. Techniquement parlant, Satin rouge est une réalisation cinématographique correcte dans l?ensemble. Il reste toutefois quelques remarques à formuler. Le regard, en suivant le film du début à la fin, éprouve des moments de lassitude, dans la mesure où la narratrice tombe dans la redondance. La réalisatrice raconte, décrit le même jeu scénique avec quelques variations, elle montre la même image mais différemment. C?est celle du cabaret, où Lilia, dans sa tenue brillante et paillettée, se livre à des déhanchements lascifs. Et c?est ainsi chaque soir. Raja Amar aurait pu résumer la situation en une ou deux scènes seulement, donnant ainsi plus d?attrait, au lieu de multiplier les scènes de cabaret pratiquement identiques. Satin rouge est une fiction douce, sensuelle, qui se déroule au rythme du tempérament de Lilia, un personnage calme et au caractère tempéré. (*) Satin rouge sera projeté le 3 juillet à 18h à la salle Ibn-Zeydoun (Riad el-Feth).