Dans un petit village entouré de forêts vivaient deux jeunes époux. La jeune femme était aussi travailleuse qu'une petite abeille et son mari était un bon garçon. Mais il était un peu paresseux. Il n'aimait guère se mettre à l'ouvrage, bien qu'il y fût obligé. «Le travail n'est pas un lièvre, il ne risque pas de m'échapper !» C'était son expression favorite et, dès qu'il en avait l'occasion, il demeurait au coin du feu. «J'ai un mari bien casanier», soupirait souvent la jeune femme en faisant toutes les corvées. Un jour, elle tricota un beau paletot et dit à son époux : «Quitte ton poêle, fainéant ! Emporte cet habit au marché de la ville. Tu peux en retirer au moins trois pièces.» «Bien», soupira le paresseux. «J'irai donc à la ville demain.» «Comment, demain ? Tu vas t'y rendre tout de suite !» protesta la femme. «Tu n'es même pas capable de couper le chaume et ne fais que m'encombrer.» Alors, le paresseux jeta le paletot sur ses épaules, saisit sa canne et s'en fut à contrecoeur au marché. Le chemin de la ville passait par la forêt. Soudain, au croisement de deux routes, une nymphe apparut devant l'homme. Elle avait de petits souliers en écorce de bouleau, un jupon de mousse veloutée, une jupe de lichen et, sur la tête, un drôle de petit chapeau de fougères orné de glands. Le paresseux était tout ébahi de cette rencontre. Mais la fée lui susurra d'une voix douce : «N'aie pas peur, je sais ce que tu emportes au marché. Montre-moi ce beau manteau...» L'homme déploya le paletot de tricot devant la nymphe qui s'écria : «Ah ! qu'il est beau ! Ta femme a vraiment des doigts d'or. Combien en veux-tu ?» «Trois pièces», lança le paresseux tout en songeant qu'il le céderait même pour moins cher si cela devait lui éviter le long trajet jusqu'à la ville. «En vérité, c'est bien peu pour une chose aussi splendide», estima la fée de la forêt. «Seulement moi, je n'ai pas la moindre pièce. Tout ce que je pourrais te donner en paiement, c'est un bon conseil qui, lorsque tu t'en souviendras, te rapportera alors beaucoup d'argent.» Le fainéant réfléchit un instant, puis il se dit qu'un bon conseil est plus précieux que l'or, et il remit le paletot à la nymphe. La fée sourit en prenant le vêtement et chuchota à l'homme : «Quand tu auras à aider quelqu'un, tu devras sauter à la mer et ne pas te noyer.» L'homme écouta bien ces mots étranges et se les mit bien en mémoire. Avant qu'il n?eût pu demander à la fée en quoi ce conseil pouvait être utile, elle disparut avec le paletot comme si elle se fondait à l'espace. (à suivre...)