Campagne - La Tunisie s'apprête à vivre le 26 octobre un scrutin capital quatre ans après la révolution et la chute du régime Ben Ali. Les 217 sièges du futur Parlement sont convoités par quelque 13 000 candidats, inscrits sur près de 1 320 listes, pour conquérir les suffrages des 5,2 millions électeurs tunisiens. Dans ce contexte, samedi dernier, les deux poids lourds de la politique tunisienne tenaient chacun leur meeting : à Kairouan pour Beji Caïd Essebsi, leader du parti Nida Tounès ; à Sfax pour son grand rival Rached Ghannouchi, chef d'Ennahda. Dans la deuxième ville du pays, ce dernier a assumé le bilan contesté de son parti, au pouvoir depuis 2011. Ambiance au meeting d'Ennahda, à Sfax qui voulait faire de ce rendez-vous une démonstration de force face à son rival Nida Tounès, le parti bourguibiste que les islamistes assimilent au RCD, ancien parti unique de Ben Ali : «On envoie un message au RCD : dégage !» Dans un théâtre à ciel ouvert, environ 10 000 partisans sont venus prier en famille pour la victoire du parti islamiste tunisien et écouter son leader historique Rached Ghannouchi. «Ils disent qu'Ennahda a perdu sa popularité mais vous êtes là pour prouver que c'est faux...», dit le chef d'Ennahda. «Ce qui se passe en Libye et en Syrie est affreux, dit-il, mais en Tunisie, nous avons empêché cela.» En 2011, Ennahda avait gagné les premières élections de l'après-Ben Ali. Mais en 2013, après deux assassinats politiques attribués aux djihadistes et un bilan économique contesté, le parti islamiste quitte le gouvernement sous la pression de l'opposition, tout en restant majoritaire au Parlement. Pour l'élection présidentielle ce parti islamiste ne présente aucun candidat et mise tout sur les législatives pour revenir au pouvoir, en formant une large coalition de gouvernement. Le président tunisien, Moncef Marzouki, candidat à sa succession, a défendu son bilan en se disant «confiant» dans sa victoire lors de la présidentielle du 23 novembre, la première depuis la révolution de janvier 2011. «La Tunisie a réalisé 50% des objectifs de la révolution (...) en un temps record», a-t-il assuré dans une longue interview diffusée hier soir par la chaîne privée Al-Hiwar Ettounsi. M. Marzouki avait fait alliance avec les islamistes d'Ennahda, vainqueurs des premières élections libres de l'histoire de la Tunisie en octobre 2011, et le parti de gauche Ettakatol au sein d'une «troïka» au pouvoir jusqu'en janvier, avant que cette dernière ne laisse la place à un gouvernement apolitique chargé de préparer les élections. «Nous avons fait la moitié du chemin, nous avons bâti un Etat démocratique, nous avons fait une Constitution», a-t-il ajouté, à une semaine des élections législatives. «Le développement économique et social viendra en son temps (...). Il était impossible de construire quoi que ce soit sans consensus politique, voyez les autres pays qui sont dans la guerre et le sang», a-t-il justifié, en référence aux autres pays du «Printemps arabe». M. Marzouki a aussi de nouveau défendu son alliance avec Ennahda, estimant avoir ainsi permis de concilier les camps islamiste et laïque. Pas moins de six figures de l'ère de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en janvier 2011 par une révolte populaire, sont candidates à la magistrature suprême.