Mobilisation n La dirigeante de l'extrême droite Marine Le Pen a lancé hier un appel "aux jeunes de France", et le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon à une "révolution citoyenne". Marine Le Pen a dénoncé ses adversaires "coalisés", dont le centriste Emmanuel Macron et le candidat de la droite François Fillon, devant environ 2.000 partisans à Bordeaux (sud-ouest). "Derrière le sourire marketing de l'un", référence à M. Macron, "et le masque défait de l'autre" référence à M. Fillon, "c'est le sourire avarié du mondialisme, de l'immigrationniasme et de l'UE qu'on vous ressert" a-t-elle lancé. "Je le dis aux jeunes de France: votez ! Nous le sentons tous, nous sommes à l'aube d'un changement de civilisation", a-t-elle souligné, avant de dénoncer l'une des propositions de celui avec qui elle est au coude à coude en tête des sondages pour le premier tour le 23 avril: "La discrimination positive de Macron, cela signifie la discrimination négative pour les autres dans leur propre pays !". A Châteauroux, dans le centre de la France, Jean-Luc Mélenchon s'est réjoui d'"horoscopes favorables", assurant que "s'il faut gouverner", il "saura" le faire. "Vous sentez bien les amis que la vague se lève", a affirmé le candidat, qui progresse dans les sondages. "S'il faut gouverner, nous saurons le faire" et "dès le premier jour, il y aura l'équipe qu'il faut", a-t-il affirmé lors d'un meeting. La victoire qui "hier semblait impossible", " aujourd'hui semble se rapprocher de nous (...). Il faut nous préparer tous ensemble à gouverner le pays", a souligné le candidat de la "France insoumise". "La révolution citoyenne, ce sont les citoyens qui la font. Un changement comme celui que nous proposons n'est possible que si c'est le peuple lui-même qui change tout !", a-t-il encore martelé. D'après un sondage, 44% des Français pensent que M. Mélenchon incarne mieux "les idées et les valeurs de la gauche, loin devant le candidat du parti socialiste Benoit Hamon (31%) et le centriste Emmanuel Macron (21%). Pour sa part, le vice-président du parti de droite Les Républicains, Laurent Wauquiez, appelle au "vote utile de la droite et du centre" pour le candidat conservateur François Fillon. Celui-ci est empêtré dans les emplois présumés fictifs de membres de sa famille qui ont conduit à son inculpation, notamment pour "détournement de fonds publics", une première pour un candidat de premier plan à la présidentielle. "J'appelle au vote utile de la droite et du centre. Vous voulez tourner la page des cinq ans de hollandisme ? Alors, quoi que vous ayez pensé des affaires, il faut voter Fillon", a plaidé M. Wauquiez dans une interview au Journal du Dimanche. Discours «pauvre» des candidats Analyse n «Les principaux candidats à la présidentielle en France ont un discours de campagne "pauvre du point de vue du vocabulaire et du style mais tentent de se distinguer par des dominantes propres», selon des chercheurs. «Le discours politique de campagne est particulièrement pauvre du point de vue du vocabulaire et du style", observe Cécile Alduy, professeur de littérature à l'université de Stanford et spécialiste du discours politique. Extrêmement codifié, le discours de campagne se fonde sur des slogans et mots simples, faisant appel à des grands principes abstraits. Et "le coaching en communication tend à lisser encore davantage le discours: il faut qu'il marque, mais sans fâcher personne", souligne Cécile Alduy. Ce qui n'empêche pas les principaux prétendants de mettre en avant leurs spécificités: la dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen réalise ainsi une "OPA" sur le mot "peuple", le centriste Emmanuel Macron étant "plus dans la dynamique que la thématique", tandis que le candidat de droite François Fillon, empêtré dans les affaires judiciaires, est "réfugié" sur "des marqueurs lexicaux très à droite", selon des chercheurs. Marine Le Pen : la candidate du Front national a une "dialectique très martelée statistiquement : celle de la +proximité+ contre la +mondialisation+", observe Damon Mayaffre, chercheur au CNRS, copilote d'une plateforme numérique qui permet notamment de repérer les mots favoris des discours des candidats, via des algorithmes. "Elle aime aussi tous les mots en +isme+, un peu anxiogènes dans le débat politique: islamisme, mondialisme, socialisme, libéralisme, terrorisme. Et elle a fait une "OPA lexicale sur le mot +peuple+", poursuit-il. Pour la sémiologue Mariette Darrigrand, Mme Le Pen est dans une posture "mythologique". Elle "brode" autour du concept de patriotisme "des épisodes, comme dans une série: Marine va chez Poutine, Marine ferme les vannes de l'immigration...". - Emmanuel Macron : l'ancien banquier d'affaires "reprend une tradition du discours politique" et "théorise des passions heureuses", selon Mariette Darrigrand, pour qui "cette campagne 2017 ne se joue pas au niveau des idées" mais plus "dans la dramaturgie". "Il est très énergétique". Il utilise "des mots sans beaucoup de contenu, où la référence politique est effacée", avec peu de termes comme nation, peuple, patrie. "Il est plus dans la dynamique que dans la thématique" avec des mots comme innovation, transformation, selon Damon Mayaffre. Julien Longhi, professeur en sciences du langage, qui étudie particulièrement les tweets des candidats, pointe aussi "des marqueurs forts comme l'association positive entre la France et l'Europe". - François Fillon : le candidat de la droite était "sur la posture noble de l'épopée, mais le +Penelopegate+ a tout mis par terre. Il reste dans la posture épique, mais l'enjeu n'est plus la France mais lui-même", juge Mariette Darrigrand. "Privé de sa thématique sur l'exemplarité, il se réfugie sur des marqueurs lexicaux très à droite: ordre, famille, France", observe Damon Mayaffre, relevant un autre mot très caractéristique: la "dette" que les autres "utilisent peu". Côté phrasé, il a comme Marine Le Pen "une voix forte, qui porte, ne tremble pas, sait se faire agressive ou dédaigneuse des positions adverses", remarque Cécile Alduy.