Logique Aborder la question du marché de l?art, c?est, à l?évidence, s?interroger sur l?art lui-même : y a-t-il un art en Algérie ? La pratique de l?esthétique existe, donc la création dans le domaine de l?art se fait et cela a toujours été le cas. Il se trouve cependant que l?esthétique connaît, depuis quelques années, une crise, voire une saturation. Elle s?enlise dans le marasme. Il y a des gens qui pratiquent pleinement l?art, il y a une exubérance de productions picturales, mais rares sont ceux qui, se livrant à l?exercice de l?esthétique, s?avèrent aptes à formuler un discours et une symbolique. Car l?exercice de l?esthétique est une pratique intellectuelle et l??uvre d?art, elle, véhicule l?intellectualité et même la philosophie. La plupart des artistes n?ont pas les aptitudes leur permettant de renouveler le langage pictural et d?explorer avec audace un nouvel imaginaire et une nouvelle technique d?approcher le monde et leur vie affective. Leur expression est ramenée littéralement à un geste uniforme et dépourvu de singularité qu?elle soit esthétique ou intellectuelle. Rares sont d?ailleurs ceux qui, vraiment, travaillent à ancrer leur création dans une nouvelle esthétique, d?inscrire leur engagement dans le domaine de l?art dans un renouvellement perpétuel. C?est, en effet, la question de l?esthétique qui se pose comme une problématique. Il n?y a pas de réflexion dans la création et, à cet effet, il est préférable de parler en termes de production. La plupart des artistes produisent au lieu de créer et ce pour répondre au goût d?une certaine élite considérée comme susceptible d?acquérir leur produit, pour ne pas dire leur «marchandise». La plupart trouvent dans ce marché de l?art un filon pour faire des bénéfices et nombreux sont ceux qui, pour vendre, s?amusent à reproduire un imaginaire fantasque, plein de couleurs chamarrées et de décor pittoresque, un décor qui fait rêver. Tandis que ceux qui, soucieux de créer, de réfléchir sur la création et de produire une intellectualité, sont minoritaires et ne vendent pas autant. Le problème qui se pose, c?est bien celui du goût. Le marché de l?art est dominé par un goût fade et erroné de l?esthétique. Cela revient à dire qu?une grande partie de l?élite est dépourvue d?une éducation dans l?esthétique ainsi que d?une culture approfondie de l?art. Le contemporain ne «marche» pas. Seuls La Casbah, la fantasia, le désert et bien d?autres clichés de l?Algérie sont cotés dans le marché de l?art.