Bab Rahba, Bab Essebt, Bab D?zaïr, Ouled Yaïch? Les gens apprennent à vivre avec une cascade de scandales en arrière-plan. Ils vendent et achètent, vont à l?école, à l?université et au travail et discutent des petits trucs de la vie dans une ville où les roses ont commencé à se faner quand des tonnes de béton s?y étaient scandaleusement déversées. Bab Rahba, un jour comme tous les autres à Blida. Les piétons se bousculent sur le trottoir tant la foule est dense. On presse le pas pour éviter les agressions d?un soleil de plomb et continuer la marche à l?ombre des arbres immenses plantés de part et d?autre de la chaussée dans ce qui reste comme verdure dans cette ville agressée, depuis des années, par un ennemi nommé béton. Un mot typiquement blidéen revient souvent sur les lèvres : «hanouni». Un mot qui attendrit même les c?urs les moins sensibles. Hanouni quand on se croise, Hanouni quand on se chamaille et enfin Hanouni quand on se dit au revoir. Dans ce quartier, comme partout dans cette ville effrontée, les citoyens vaquent à leurs occupations quotidiennes et personne ne donne l?air d?être affolé par cette série de scandales que Blida enregistre tristement dans un palmarès déjà très peu reluisant. Les scandales, ça ne date pas d?aujourd?hui. «Ce n?est pas étonnant d?avoir en face toutes ces histoires. Moi-même, j?ai été escroqué deux ou trois fois par de petits escrocs. Alors que dire des gens qui, du jour au lendemain, sont passés de la misère noire à l?opulence sans avoir bougé le petit doigt. Blida, est une ville connue pour les marchés de gré à gré. Il faut simplement remplir soigneusement une facture pro forma, c?est aussi simple que ça», explique Dahmane, enfant de Blida et employé dans une entreprise étatique. «J?ai passé toute ma vie à Blida et il fallait lire les journaux pour connaître ce qui s?y passait réellement. Franchement, c?est désolant mais la vie doit tout de même continuer. Il n?y a pas que les scandales dans la vie», avoue El- Hadj Abderahmane, assis sur une chaise en bois devant son petit commerce de vitres, qu?il tient depuis 1963. La soixantaine entamée, ce vieux briscard dit avoir déjà entendu, par le passé, bien des affaires de corruption, de passe-droits et de dépassements de tout genre vite camouflés dans la ville. «C?est normal dans une ville qui a été gangrenée par le terrorisme et qui a vu la naissance de nouveaux nababs qui font la loi là où ils passent», ajoute-t-il. Du même avis, un autre ayant pratiquement le même âge pense que l?affaire dite du fils du wali n?est, en fait, que «la partie visible de l?iceberg tant Blida est connue depuis de longues dates pour ses cercles maffieux». Quelques jeunes, pour leur part, décortiquent, autour d?une table d?un vieil estaminet, l?histoire qui n?honore guère leur ville. Et quand on leur divulgue notre identité de journalistes, ils changent vite de discussion pour atterrir finalement sur les derniers résultats de l?USMB, l?équipe que tout Blidéen porte dans son c?ur, même si elle traverse une mauvaise passe. S?agit-il, en fait, d?une sorte d?omerta que les Blidéens entretiennent sournoisement ou alors affichent-ils une certaine indifférence par rapport à un enchaînement d?événements qui n?ont rien à voir avec le peuple d?en-bas ? En tout état de cause, les stigmates des scandales ayant secoué la ville n?ont rien d?apparent, tant chaque commerçant, chaque chômeur, chaque cadre rencontrés disent ne pas être concernés par des histoires qui ne les concernent pas. En tout cas, ces jeunes, non concernés par la politique, martèlent à l?unisson que ceux qui amassent et brassent des milliards ne sont jamais des enfants de Blida? Machi ouled bled !